23 mars 2023

Azaelle, gardienne du feu sacré

Par Elizabeth Leblanc-Michaud

Si la lutte a longtemps été une affaire d’hommes, de plus en plus de femmes se prêtent maintenant au jeu. Janik Bélanger, alias « The Angry Red Woman » Azaelle, est l’une d’entre elles. Portrait d’une lutteuse habitée du feu sacré.

Les costumes arborés par « The Angry Red Woman » Azaelle (Janik Bélanger) sont nombreux. Tous plus flamboyants les uns que les autres, ceux-ci sont le fruit de la lutteuse et couturière Angie Skye. © Étienne Boisvert

L'origine du monde

Si vous demandez à un lutteur (ou à une lutteuse) d’où lui vient sa passion pour le catch, les chances sont grandes qu’il vous réponde être tombé dans la marmite de la lutte lorsqu’il était petit en jouant avec des amis ou en regardant les galas de la WWF (aujourd’hui la WWE) à la télé. Vous comprendrez donc ma surprise lorsque Janik m’apprend n’avoir commencé à s’intéresser à la lutte qu’une fois à l’âge adulte, alors qu’elle assiste un peu par hasard à son premier gala de la Fédération Canadienne de Lutte (FCL) à Shawinigan. Impressionnée et amusée par ce qu’elle y voit, elle décide de tenter sa chance en s’inscrivant à l’école de lutte de la FCL.

Si les premières pratiques sont difficiles, impossible pour Janick d’arrêter. La jeune femme est déterminée à donner le meilleur d’elle-même et à aller jusqu’au bout. Tant et si bien que six mois après avoir commencé à s’entrainer à raison de deux à trois fois par semaine, Azaelle fait sa première apparition sur le ring.

Lorsque je lui demande comment lui est venu l’idée de nommer son personnage « The Angry Red Woman » Azaelle, Janik m’explique que le nom Azaelle s’est imposé naturellement à elle dès le début de son parcours. Le surnom « The Angry Red Woman » arrive quant à lui un peu plus tard, lorsqu’un ami lui envoie la chanson « Mars Needs Women » de Rob Zombie après l’avoir vue arborer pour la première fois son emblématique chevelure rouge.

« C’est pas parce que je suis une fille, que je suis ronde ou parce que j’ai de la cellulite que je suis pas impressionnante, pis que je suis pas capable de faire la même affaire qu’un gars. »

Janik Bélanger, alias « The Angry Red Woman » Azaelle

Janik lutte à la Fédération Canadienne de Lutte (FCL) à Shawinigan depuis 2014. Elle lutte également pour le compte de la North Shore Pro Wrestling (NSPW) à Québec depuis la tenue du premier gala de lutte de l’histoire du Diamant en 2019. Elle est présentement l’une des deux seules femmes à monter sur le ring sur une base régulière à Shawinigan comme à Québec. © Étienne Boisvert

Les femmes sont aujourd’hui de plus en plus nombreuses à monter sur le ring au Québec. Loin de lutter exclusivement les unes contre les autres, elles ont l’habitude de montrer leurs poings à leurs homologues masculins. © Étienne Boisvert

Lutter « comme un homme »

Je ne vous apprendrai rien si je vous dis que les femmes sont peu nombreuses à monter sur le ring. À la FCL à Shawinigan comme à la NSPW à Québec, elles n’ont été longtemps que deux : Azaelle et Loue O’Farrell. Mais si les deux lutteuses ont combattu l’une contre l’autre par le passé, elles ont l’habitude de se mesurer à plus gros qu’elles. Parce que oui, dans le monde de la lutte indépendante, les matchs hommes-femmes n’ont rien d’inhabituels. En fait, ils sont même chose courante, et ce, depuis un bon moment.

Vous doutez de la vraisemblance d’un combat opposant une femme à un homme? Détrompez-vous! À l’intérieur du ring, les femmes savent être tout aussi impressionnante que les Marko Estrada et les Matt Falco de ce monde. Pour avoir déjà vu plus d’un match intergenre, je peux vous confirmer qu’elles savent livrer la marchandise! Qu’elles savent – et peuvent – se battre « comme un homme ». Et le public dans tout ça, est-ce qu’il y croit? Eh bien, oui! Même qu’il en redemande. Il n’y a qu’à voir avec quelle intensité la foule s’exclame quand Azaelle entre ou sort du ring pour le comprendre.

« La lutte, je compare souvent ça à un film. Les gens vont voir de la lutte comme ils vont au cinéma. La différence, c’est qu’avec la lutte, t’as le droit de crier après le personnage dans le ring. »

Janik Bélanger, alias « The Angry Red Woman » Azaelle

Vous aimeriez vous initier à la lutte? Voici les quatre conseils de Janik : assurez-vous de bien choisir votre école, de vous entourer des bonnes personnes, de prendre votre temps et de persévérer malgré les difficultés. © Étienne Boisvert

La lutte, un art ou un sport?

Si la lutte a longtemps été considérée comme un sport, de plus en plus de personnes en parlent aujourd’hui comme une forme d’art à part entière. Curieuse de savoir ce qu’en pense Janick, je lui ai posé LA question : « La lutte, c’est un art ou un sport selon toi? » C’est en éclatant de rire qu’elle me répond : « C’est clairement un mélange des deux. Faut savoir travailler son personnage pis sa technique. » Elle me donne alors en exemple le lutteur Michel Plante qu’elle considère comme l’un des meilleurs dans ce domaine. Sans livrer les plus grandes performances acrobatiques, il sait, comme elle, parfaitement « jouer avec la foule ». Un talent qui n’est pas donné à tout le monde.

Sachant que Janik a fait de l’impro et du théâtre étant plus jeune, j’enchaine avec une autre question allant dans le même sens : « Est-ce que tu penses que ton bagage en arts de la scène te sert aujourd’hui sur le ring? » C’est avec conviction qu’elle me confirme que oui. Particulièrement l’impro, celle-ci lui ayant appris le sens de la répartie, un atout fort précieux lorsque vient le temps d’interagir avec la foule. Si je suis peu surprise par la réponse de Janik à ma dernière question, ce qu’elle me dit par la suite me laisse sans mot. Non seulement la lutte lui permet-elle de conjuguer sa passion pour le théâtre avec celle pour l’impro, mais aussi celle pour les arts martiaux! Comme quoi avec la lutte, l’art et le sport sont intrinsèquement liés. Pour le meilleur… et pour le pire!

Si je mets l’accent sur ce dernier point, c’est que personne n’est à l’abri de se blesser quand il ou elle lutte. D’où l’importance de faire attention quand on pratique un art aussi brutal que le catch. C’est d’ailleurs arrivé à Janik. À peine remise sur pied après une blessure subie l’été dernier, elle vient tout juste de faire son grand retour le 4 mars dernier à Québec à l’occasion de la 24e édition de Femmes Fatales. Un retour que l’on espère perdurer!

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