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23 mars 2023
La FCL à Shawinigan, haut lieu de la lutte indépendante en Mauricie
On est samedi soir. Le sous-sol du Centre communautaire Bruno-Rivard dans le quartier Saint-Marc à Shawinigan déborde de gens. Ça rit. Ça crie. Les enfants sont debout sur leur banc. Ça sent un mélange de bière, de sueur, mais pas de sang. Ne vous demandez pas pourquoi, c’est qu’on est en plein gala. Ce soir, la Fédération Canadienne de Lutte (FCL) reçoit!
© Étienne Boisvert
Un peu d'histoire
Fondée d’abord à Sorel en 1987 par le Shawiniganais Réjean Désaulniers et ses acolytes Richard « Le Magnifique » Charland et Eddie Creatchman, la Fédération Canadienne de Lutte est l’une des plus anciennes fédérations de lutte indépendante au Québec. C’est d’ailleurs à cet endroit que la pionnière de la lutte québécoise LuFisto y a fait ses premiers pas.
Depuis ses tout débuts, la FCL offre à celles et ceux qui veulent bien se prêter au jeu des galas en dehors des circuits dits professionnels. Mais si son histoire débute à Sorel, c’est à Shawinigan qu’elle prend définitivement racine lorsque Réjean Désaulniers décide de rapatrier la fédération dans le secteur Grand-Mère au tournant des années 2000, puis dans son Shawinigan natal en déménageant celle-ci au Centre communautaire Christ-Roi (aujourd’hui le Centre communautaire Bruno-Rivard) situé dans le quartier Saint-Marc. Alors devenu seul propriétaire, monsieur Désaulniers demeurera à la tête de celle-ci pendant encore un peu plus d’une décennie, formant au passage de nombreux lutteurs bien d’ici.
C’est en 2014 que Réjean passe le flambeau à la superstar de la lutte à Shawinigan, Nino Mancuso, qui passera à son tour le flambeau au trio composé de Martin Blais, Steve Boutet et Jesse Auger quelques années plus tard. Aujourd’hui seul propriétaire de la FCL, Jesse Auger est fier de pouvoir compter sur une équipe de bénévoles et de lutteur·euses passionné·es, de même que sur le booker et graphiste Claude Malouin, connu de plusieurs pour son personnage de Claude Maloon.
« À la lutte, contrairement aux autres formes de spectacle, sauf peut-être la musique, tu peux crier aux acteurs. Tu peux embarquer. La foule fait partie du spectacle. Bien souvent, c’est elle qui nous dit où aller. Qu’est-ce qui marche. Qu’est-ce qui marche pas. Qui qui pogne. Qui qui pogne pas. »
Claude Malouin, booker et graphiste de la FCL
La lutte, un art ou un sport?
Depuis plusieurs mois, je pose la question à tou·tes les adeptes de lutte que je rencontre : « La lutte, c’est un art ou un sport? » Voici ce que Nino Mancuso, ancien lutteur (2000-2019) et promoteur de la FCL (2014-2018), me répond lorsque je lui demande son avis :
« La lutte, c’est un sport, mais c’est aussi du théâtre extrême. Si ton histoire est bien racontée, que ton méchant est haï, que ton gentil est aimé, bien t’as toute pour faire un excellent spectacle. Après ça, il reste l’exactitude des manœuvres… Pis c’est tout! S’agit simplement d’avoir les bons pions à la bonne place. »
Selon Claude Malouin, booker et graphiste pour la FCL depuis 2019, la lutte est « un heureux mélange des deux ». Il compare à la fois celle-ci au cirque, au théâtre et à la danse, mais aussi aux arts martiaux, au patinage artistique et à la nage synchronisée. Et comme pour l’improvisation, le catch est « un art participatif en constante évolution ». Ce qui le distingue de toute autre forme d’art ou de sport? La nécessaire participation des gens assis dans la salle. Parce que oui, à la lutte, « la foule fait partie du spectacle ». Elle peut non seulement crier après les lutteurs et les lutteuses, mais elle est encouragée à le faire. En échange, les chances sont grandes que celui ou celle à qui elle s’adresse lui réponde.
© Étienne Boisvert
© Étienne Boisvert
D’la lutte comme dans l’temps!
La première fois qu’on assiste à un gala de lutte, on est non seulement frappé par le haut niveau d’intensité des athlètes sur le ring, par l’extravagance des costumes et des performances, mais aussi par la diversité des personnes présentes dans la foule. Le temps d’une soirée, des gens de tous les âges, de tous les sexes et de tous les contextes socio-économiques se retrouvent autour d’une passion commune, celle pour le grandiose!
À Shawinigan plus particulièrement, on note un nombre impressionnant d’enfants. Pour Nino Mancuso, c’est tout naturel. La lutte est une activité qui se vit en groupe. C’est « un bon divertissement pour toute la famille », en plus d’être une activité peu coûteuse. Aux dires de Claude Malouin, la forte présence d’enfants est l’un des principaux éléments distinguant la FCL des autres fédérations du genre. Mais ce n’est pas tout! À Shawinigan, les spectateurs et les spectatrices « se laissent prendre au jeu ». Ils et elles s’intéressent avant tout à l’histoire qu’on leur raconte. Bien plus qu’à la technique.
« Contrairement à bien des places, à la FCL, la foule embarque dans pas mal n’importe quoi. Ce qu’on lui donne, elle le prend. Elle embarque avec nous autres. Elle joue son rôle de spectateur. Les gens comprennent ce qu’on veut leur raconter. »
« Les enfants trippent! De voir les lutteurs faire des acrobaties dans le ring, c’est impressionnant en maudit. Pour eux, c’est comme des superhéros régionaux. »
Nino Mancuso, ancien lutteur (2000-2019) et promoteur de la FCL (2014-2018)
© Étienne Boisvert
C'est le début d'un temps nouveau
Depuis quelques années, on observe un regain d’enthousiasme du public pour la lutte indépendante au Québec, particulièrement depuis la fondation de la NSPW à Québec et la présentation de galas de lutte de grande qualité au théâtre Le Diamant. Grâce à la NSPW et au Diamant, la lutte jouit aujourd’hui d’une plus grande légitimité dans le paysage culturel québécois. Et, comme moi, bien des nouvelles personnes découvrent le catch pour la première fois.
Et la FCL dans tout ça? Elle profite elle aussi de cette recrudescence d’intérêt pour la lutte indépendante. Claude Malouin et le promoteur actuel de la Fédération Canadienne de Lutte, Jesse Auger, peuvent en témoigner. Les billets pour les galas mensuels de la FCL se vendent deux mois à l’avance. Les groupes sont de plus en plus nombreux. Le public rajeunit. Se diversifie.
Qui sait, on assiste peut-être actuellement à un moment historique dans l’histoire de la lutte au Québec comme en Mauricie? Mais ça, seul l’avenir (ou Pat Laprade) nous le dira!
Vous êtes de celles et ceux qui n’ont jamais assisté à un gala de lutte, mais vous aimeriez tenter l’expérience? Vous hésitez parce que vous ne savez trop à quoi vous attendre? Suivez les sages conseils de Claude : « Mettez votre cerveau à porte. Embarquez dans le jeu! Faites partie du show! Regardez les autres spectateurs aller, pis faites comme eux-autres! »
© Étienne Boisvert
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