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- Alex P. et les paillettes de ses géographies

Quand on demande à Alex P., environ deux heures avant la remise des Prix Arts Excellence, s’il pense gagner le titre dans la catégorie Élan créatif pour son exposition Habiter les repères, il choisit de ne pas y croire. « La seule chose que j’ai gagnée dans ma vie, c’est un concours de dessin à l’école primaire. » Celui qui a de la difficulté à « jouir des bons coups » n’aura pas le choix, ce soir-là, d’apprendre à célébrer.
Des territoires où on peut être soi-même
L’exposition Habiter les repères, qui a été présentée à l’Atelier Presse Papier à l’automne 2024, reste fidèle à la démarche « auto-ethnographique » d’Alex P. « Je puise dans ce que j’ai vécu, dans les affects que tel endroit a pu avoir sur moi pour en parler et essayer le plus possible de rejoindre les autres. »
On pouvait y voir plusieurs œuvres de différentes techniques d’estampe — embossage, sérigraphie —, représentations d’endroits qui ont marqué sa biographie ; le Coconut Bar, une cabane à sucre, le chalet familial.
L’intention? « Trouver des repères communs, des situations géographiques, des territoires où on peut être nous-mêmes, et qui ont une importance significative pour nous », explique-t-il.
Découvrir Alex P.
Présentée du 5 octobre au 3 novembre 2024 à l’Atelier Presse Papier, l’exposition Habiter les repères d’Alex P. rassemblait une série d’œuvres relatant des souvenirs personnels relatifs à des lieux précis tels le Coconut Bar et le chalet de sa famille. © Étienne Boisvert
Un « trip de gang »
Alex P. ne crée pas seul. Ce qui le fait vibrer par-dessus tout, c’est ce qu’il appelle « le trip de gang ». « Je reconnais qu’il y a des gens qui sont meilleurs que moi, que je ne pourrai jamais l’être dans certaines pratiques. Par exemple, en art sonore, c’est sûr que je vais travailler avec Nicolas Poirier, parce que c’est un ami, mais aussi parce que je considère que c’est l’un des meilleurs dans la région dans ce qu’il fait. » C’est lui qui a capté les sons que l’on pouvait entendre en enfilant un casque d’écoute devant ses œuvres de papier.
Un autre élément surprenait l’œil en entrant dans l’Atelier Presse Papier : un grand mur de paillettes noires. Sa présence constituait « une fantaisie », mais exprime aussi son lien avec la communauté queer. Tout est symbolique : c’est son conjoint, Étienne, qui a cousu le mur en question.

Opposant le sobre et l’éclatant, le traditionnel et le moderne, Habiter les repères a su charmer le public en quête t’étonnement. © Étienne Boisvert
Une destinée, puis un choix
Il faut dire qu’Alex P., alias Alexandre Poulin, est né dans le milieu artistique. « Depuis ma première semaine de vie, je côtoie le milieu des arts en Mauricie — et particulièrement à Trois-Rivières », mentionne-t-il.
Son père, Marquis Poulin, artiste visuel multidisciplinaire décédé en 2019, a créé de nombreuses œuvres qui habitent toujours l’espace public de la région. Son fils unique, qui ne se considère artiste que depuis 2022, voit désormais son métier à la fois comme une destinée et un choix.
C’est pour cette raison qu’il y avait quelque chose d’intimement touchant et significatif quand, le 4 avril dernier, un Alex P. ému a déplié son papier de remerciement (qu’il avait écrit sans grand espoir, à trois heures de son départ vers La Tuque) en notant que l’escalier qui l’a mené à la salle était une œuvre de nul autre que… son père.

La maîtrise des différentes techniques utilisées, la cohérence de l’ensemble de son œuvre et son impact sur le public ont séduit le jury des 26e Prix Arts Excellence. Avec Habiter les repères, Alexandre Poulin confirme qu’il est assurément un artiste visuel très prometteur. © Étienne Boisvert
« Un beau coup de pouce »
Dans la salle Carole-Guérin du Complexe culturel Félix-Leclerc, le 26e gala des Prix Arts Excellence a récompensé plusieurs artistes, mais Alex P. ne pensait pas en faire partie. Quand il parle sur scène (et plus tard encore), il nomme les personnes avec qui il a collaboré. Il nomme aussi son ami Marius Larose, qui était en lice dans la même catégorie.
Il confie que ce prix est « un beau coup de pouce pour continuer », lui qui admet ne pas souligner suffisamment ses victoires. « C’est un apprentissage constant, de jouir des bons coups et de les garder, pas juste de les mâcher comme une gomme puis de les jeter quand la gomme est rendue trop sèche… C’est de la conserver longtemps et d’y goûter le plus possible ».

Combinant différentes techniques allant de l’estampe à l’art sonore, l’exposition Habiter les repères se voulait à la fois profondément intime et tournée vers l’autre. © Étienne Boisvert
Ce qui attend Alex P.
Alex P. a déjà les yeux rivés sur son prochain projet. Il s’agit d’une exposition intitulée Allégorie du placard, dans laquelle il cherche à « interroger la notion de coming out ». L’artiste queer collabore avec des organismes comme le GRIS Mauricie/Centre-du-Québec et TRANS Mauricie/Centre-du-Québec ainsi qu’avec l’école secondaire Chavigny, bâtiment voisin de sa maison d’enfance. Encore une fois, l’enfant unique choisira de s’entourer.
Pour découvrir le gagnant du Prix Élan créatif remis l’an dernier par DICI, c’est par ici.
