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- Le slam en Mauricie : une poésie libre et vivante
« En avril, ne te couvre pas de malheur / En lâchant le fil de tes idées, de tes idéaux / Rêve loin, fort et haut / Quitte à te planter, au moins t’auras de l’élan »
Si quatre vers devaient évoquer l’essence du slam, se pourrait être ceux-ci tirés de l’illustre Poème d’avril de l’auteur et performeur d’origine trifluvienne David Goudreault. Alors que la poésie consiste à mettre des mots sur les émotions, le slam leur donne de la conviction, de la force et de l’élan.
Du récital à la performance
Genre oratoire à part entière dépoussiérant les soirées traditionnelles de poésie, dynamisant le verbe et plaçant la performance au premier plan, le slam tel qu’on le connaît aujourd’hui est né à Chicago dans les années 1980. Sur la scène du célèbre club Green Mill Cocktail Lounge, un poète du nom de Marc Smith anime alors des lectures de poésie. Afin d’accroître l’interactivité entre les artistes et le public, il introduit une nouvelle formule de compétition dans laquelle les poètes sont notés sur leur prestation par des juges choisis au hasard dans l’audience. Cette approche participative contribue ainsi à populariser le slam qui ne tardera pas à faire son chemin ailleurs aux États-Unis et partout sur le globe, notamment avec la création de la Coupe du monde de slam en 2007 à Paris.
Au cours de cette même décennie, le mouvement slam prend de l’ampleur au Québec alors que le slameur et musicien Ivy crée, avec les poètes Bertrand Laverdure et Catherine Cormier-Larose, native de la Mauricie, les soirées Slamontréal. Il fondera, un an plus tard, la Ligue québécoise de slam, une association qui promeut et protège la pratique du slam en français. De ces initiatives déterminantes, il émergera à Montréal et dans la province une scène slam de plus en plus riche et affirmée.
« Le slam permet de sortir du cadre aseptisé par la bien-pensance. Je peux oser dire des choses, éveiller des consciences, aborder des sujets délicats ou des opinions, et ce, avec légèreté, originalité et précision. »
Dany Carpentier, alias Naïd
Originaire de St-Barnabé, Ulysse Gagnon-Plouffe est bien connu de la scène slam et poésie de la région. © Sophie Toutant-Paradis
Un genre accessible et libéré des conventions
Bien que la compétition occupe une place importante dans l’univers du slam, le genre artistique est aussi largement pratiqué dans un cadre non compétitif, offrant un espace pour la libre expression et l’échange d’idées. Donnant la parole à une large diversité de voix, qu’elles soient chevronnées ou émergentes, le slam est souvent considéré comme plus accessible et démocratique que la poésie traditionnelle.
« Le slam permet de sortir du cadre aseptisé par la bien-pensance. Je peux oser dire des choses, éveiller des consciences, aborder des sujets délicats ou des opinions, et ce, avec légèreté, originalité et précision, affirme le rappeur et slameur trifluvien Dany Carpentier, alias Naïd. »
« Pour moi, c’est la liberté de surprendre et faire réagir l’auditoire, notamment par des expressions populaires auxquelles je redonne un nouveau sens et un esthétique de poésie qui détonne », ajoute celui qui a fondé en 2006 l’organisme Jeunesse hip-hop Mauricie et, l’année suivante, le Festival urbain de Trois-Rivières. Ces projets féconds, qui auront duré plusieurs années, ont ouvert la voie à une scène slam mauricienne et permis à des performeur·ses de rencontrer un public pour la première fois.
« Sois le printemps, laisse bourgeonner ta folie furieuse / Rentre dans le tas, rentre en toi, existe! »
David Goudreault, Poème d’avril
Performance télé de Poème d’avril de David Goudreault le 20 avril 2023 à l’émission Bonsoir Bonsoir, sur la première chaîne de Radio-Canada.
La livraison avant tout
À l’inverse de la poésie traditionnelle où prévalent la structure littéraire, les images et les jeux de mots, le slam met plutôt l’emphase sur la livraison, le rythme et l’émotion. Pas étonnant que le terme provienne de l’expression anglaise Slam Poetry, faisant référence à l’onomatopée « slam » qui imite le son d’un claquement ou d’un coup.
« Le slam met davantage l’accent sur les mots et le message qu’une chanson peut le faire, par exemple. Je trouve que ça donne un résultat beaucoup plus fort et, pour moi, c’est la meilleure façon de livrer ce que j’ai à dire », affirme Ulysse Gagnon-Plouffe, originaire de St-Barnabé, qui brûle les planches de la scène slam depuis quelques années.
Avec un langage direct et percutant, en plus d’un choix de mots au service de la rythmique et de la sonorité, les performeur·ses abordent souvent des thèmes contemporains, en réponse aux enjeux sociaux qui les entourent.
« Il faut que ça crée une émotion, une réaction, une connexion. Il faut que la prestation surprenne par l’originalité des mots, des sujets et la manière de les livrer avec authenticité, croit Dany Carpentier. J’aime sentir que la personne qui a des choses à nous dire, c’est plus fort qu’elle. »
« Le mouvement régional évolue beaucoup. Il y a de plus en plus de jeunes qui s’intéressent au slam et qui s’attaquent à des thèmes actuels comme l’environnement et le développement de l’humain. On se plaint souvent qu’il n’y a rien qui bouge, mais dans cette communauté-là, on trouve des gens qui ont envie d’agir pour que la vie soit meilleure. »
Ulysse Gagnon-Plouffe
Ulysse Gagnon-Plouffe lors d’une performance remarquée au OFF Festival de poésie de Trois-Rivières en 2023. © Benjamin Brousseau
Une scène régionale animée et engagée
Riche de deux festivals de poésie dont l’OFF Festival de poésie de Trois-Rivières qui, depuis 18 ans, offre une vitrine considérable aux poètes émergent.es, la Mauricie dispose d’une scène slam de plus en plus effervescente.
« La région a un terreau fertile en poésie, ça se sent, atteste Dany Carpentier. Il existe bon nombre de poètes de l’oralité qui se font entendre durant l’année. Quelque chose bouillonne et il en manque peu pour que ça percole.
À cet effet, un nombre croissant de séances de slam a lieu régulièrement sur le territoire, notamment au café-bar Zénob où le collectif trifluvien Les Fées ferrées organise une fois par mois des soirées Micro ouvert de poésie. Sans compter que la municipalité de Saint-Élie-de-Caxton fut l’hôte du 9e concours national de slam-poésie du Réseau Québec-France en octobre 2023.
« Le mouvement régional évolue beaucoup. Il y a de plus en plus de jeunes qui s’intéressent au slam et qui s’attaquent à des thèmes actuels comme l’environnement et le développement de l’humain. On se plaint souvent qu’il n’y a rien qui bouge, mais dans cette communauté-là, on trouve des gens qui ont envie d’agir pour que la vie soit meilleure », témoigne Ulysse Gagnon-Plouffe.
« La grande communauté mauricienne a besoin de s’exprimer et de dialoguer, soutient avec ardeur Dany Carpentier. La prise de parole poétique est tout indiquée pour briser la glace. »
Envie de découvrir le fascinant univers du slam? Sachez que l’écrivain et slameur David Goudreault sera en spectacle au Centre des arts de Shawinigan le 11 mai prochain à 20 h. Pour plus d’info, c’est par ici.