19 décembre 2024

Marcelle Ferron : une artiste colorée, constituée d’opacité et de transparence

Par Caroline Ruest

Contenu créé en partenariat avec Culture Trois-Rivières

Nombreuses sont les initiatives soulignant le centenaire de l’artiste-peintre et maître verrier Marcelle Ferron (1924-2001). En collaboration avec la Galerie Simon Blais, le Centre d’exposition Raymond-Lasnier présente Marcelle Ferron : Le geste coloré. Lors de leur visite, expert·es et néophytes auront accès à un échantillonnage d’une cinquantaine de peintures, d’œuvres sur papier et de verres fusionnés, le tout retraçant l’ensemble de sa carrière (1940-1990). Regard sur une femme forte et assumée.

Marcelle Ferron © Pierre Longtin

Véritable force de la nature, Marcelle Ferron naît en 1924, à Louiseville. Souffrant de tuberculose osseuse, elle subira une opération dès l’âge de trois ans. Après maints séjours au sanatorium, sa vie s’en trouvera métamorphosée. Derrière une porte close, dépolie au sable, se jouera l’avenir d’une fillette convalescente. Dans une quasi-obscurité où la luminosité se fait discrète s’éveillera un goût pour la transparence qui jamais ne la quittera.

Une fillette déterminée

Endeuillée, Marcelle Ferron apprivoisera la perte de sa mère. Tout juste âgée de sept ans, son éducation sera dorénavant assurée exclusivement par son père, libre penseur humaniste. Elle développera ainsi un amour certain pour la liberté et la justice sociale. Après le décès prématuré de sa figure maternelle, Marcelle Ferron s’appropriera sa boîte de peintures. Mélangeant et juxtaposant les divers coloris, la jeune fille fera de sa vie un nuancier de couleurs et de luminosité. Avant l’heure, la passion de peindre et l’avidité pour de nouvelles aventures se feront sentir.

Une femme fantaisiste et fougueuse

Marcelle Ferron est l’une des premières artistes visuelles québécoises à se consacrer entièrement à son art. Elle est également l’une des rares femmes de sa génération qui, de son vivant, rayonnera à travers le monde. Pionnière de la peinture abstraite au Québec, Marcelle Ferron est aussi une artiste emblématique de la modernité québécoise. Ayant le courage de ses convictions, elle militera tout au long de sa vie pour des causes qui lui paraissent justes. Cosignataire du Refus global (1948) aux côtés de Paul-Émile Borduas, elle deviendra une automatiste indépendante et rebelle qui participera à la redéfinition de l’art québécois. En 1953, Marcelle Ferron et ses trois filles s’envoleront vers Paris. Fréquentant des artistes de renoms tels qu’Alberto Giacometti, Eugène Ionesco et Olivier Todd, elle développera une carrière à l’internationale avec le soutien de l’historienne de l’art Herta Wescher.

Revenant s’établir au Québec en 1966, elle explorera l’art du verre, délaissant quelque peu la peinture. En tant que maître verrier, elle apportera nombre de contributions à l’architecture et à l’art public. À titre d’exemple, citons la verrière de la station de métro Champ-de-Mars, à Montréal, ainsi que celle située au Centre hospitalier affilié universitaire régional (CHAUR) CIUSSS MCQ, à Trois-Rivières.

Le geste coloré : sa signature

À travers ses créations, qu’elle souhaite accessibles au plus grand nombre, Marcelle Ferron témoignera d’une volonté de colorer la vie de ses semblables. Créant ses propres couleurs à partir de pigments, ses réalisations s’avèreront riches en nuances de toutes sortes. Oscillant entre opacité et transparence, elle créera des œuvres au mouvement énergique, franc et puissant, dominées par l’importance de la lumière.

Dans son exploration des divers matériaux, Marcelle Ferron se laissera surprendre par la matière. Craquelures, taches accidentelles, points de fusion qui diffèrent sont tout autant de circonstances qu’elle saura exploiter à son avantage. Parfois, un même tableau aura été exposé à plus d’une reprise et se parera chaque fois d’une apparence nouvelle parce que l’artiste-peintre aura le souci de bonifier son œuvre. Quand elle s’octroie la liberté de modifier une toile, Marcelle Ferron nous enseigne que rien n’est acquis et que l’univers des possibles est bien réel, du moment que nous nous autorisons une certaine latitude.

Marcelle Ferron nous apprend à voir, mais surtout à regarder. Regarder exige un travail en profondeur. Regarder amène à observer plus longuement des éléments autrement invisibles à l’œil humain. Regarder permet d’être ébahi·e et ému·e par la beauté surgissant de l’abstrait.

Marcelle Ferron : Le geste coloré est présentée gratuitement jusqu’au 9 mars prochain. Pour des activités complémentaires à l’exposition, c’est par ici.

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