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15 avril 2025
Les racines rêvent de fleurs aussi : imaginer notre histoire souterraine
Jusqu’au 11 mai, le Centre d’exposition Léo-Ayotte présente, dans le cadre de Passeport pour… l’Ukraine, Les racines rêvent de fleurs aussi d’Eugenia Reznik. Une exposition qui, selon sa conceptrice, propose de réfléchir au mot « racine ».
Profondément relié à l’origine
Racine. « Ce mot est tellement riche de sens, affirme Eugenia Reznik. On pense bien-sûr aux racines végétales, qui sont très présentes dans l’exposition, mais aussi aux racines humaines et toutes les histoires qu’on peut raconter sur nos ancrages. De plus, elles sont souvent invisibles et reliées entre elles. ».
L’artiste ukraino-franco-canadienne dit vivre et travailler à travers ses déplacements. « La première fois, c’était en 1986. Née à Kiev, je fuyais avec mon frère et ma sœur le nuage de Tchernobyl. J’avais 15 ans. À la suite de l’effondrement de l’Union soviétique, il y en a eu d’autres. » L’artiste a ensuite vécu aux États-Unis, en France pour ses études, avant de poursuivre son doctorat au Canada, ce pays qui lui a fait retrouver la neige.
Découvrir Eugenia Reznik
© Guy L’Heureux
Déracinement et dentelle
Un récif fait de relief, c’est le ressenti dès notre arrivée au Centre des Arts de Shawinigan. En arrivant au premier étage, on est accueilli par les splendides tentures de lin allant jusqu’au plafond de Reznik. De loin, on croirait voir d’immenses éclairs figés sur un ciel noir. En s’approchant, on y découvre la minutie et la délicatesse du tissu brodé, le chemin unique de toutes ces racines, à la fois botaniques et culturelles.
« Dans le contexte dans lequel j’ai grandi, avec l’accident de Tchernobyl, la chute de l’Union Soviétique, plusieurs immigrations, j’ai appris qu’on pouvait se sentir déraciner sans quitter son pays. »
Filage filial
Une installation vidéo sous-titrée en français, des écouteurs narrant des indications en ukrainien et des mains qui tissent en temps réel… Par l’entremise de l’œuvre Déconter, l’artiste dévoile qu’un tissu de lin reçu de sa grand-mère d’Ukraine a été la source de son projet. Une histoire aussi tendre que dure, que belle, qui vaut de se déplacer pour entendre.
Ancrage et réinvention
Durant son processus, l’artiste a découvert « que le déracinement peut être une source de liberté, de rencontres et de nouvelles créations ». Au deuxième étage, des séries de sérigraphies et d’œuvres en géotextile habillent les murs des mêmes tons de noir et de blanc, reflétant encore cette dualité des thèmes de déracinement-enracinement, de réinvention et d’identité culturelle dans de nouveaux territoires. Rappelant des radiographies humaines, les œuvres nous pénètrent comme une vue sur l’intime, traversant surfaces et structures.
« Cette exposition est une invitation d’imaginer les paysages souterrains et de composer sa propre version de nos racines. »

Homo schematicus
Au même étage, on découvre aussi l’exposition de l’artiste trifluvienne d’origine ukrainienne Lana Greben. À travers une pratique du dessin déclinée en divers formats, elle explore entre autres la tension entre simplification algorithmique et complexité humaine. Intéressée par les thèmes des technologies de reconnaissance faciale et notre manière d’y percevoir la réalité, ses œuvres comportent un tracé répétitif, mais manuel, insistant en une résistance vibrante face à la numérisation du vivant. Ses portraits, parfois avec ajout de fils tissés en relief, rejoignent cette idée d’identité, de fil continu ou déplacé, d’une histoire à suivre…
Un voyage à ne pas manquer
Si les expositions présentées dans le cadre de Passeport pour… sont l’occasion parfaite de découvrir des artistes issu·es de cultures d’ailleurs, l’exposition Les racines rêvent de fleurs aussi nous permet quant à elle de découvrir une partie de l’histoire de l’Ukraine, directement des mains de celle qui l’a vécue.
Pour découvrir l’exposition Les racines rêvent de fleurs aussi, rendez-vous jusqu’au 11 mai au Centre d’exposition Léo-Ayotte.
