9 octobre 2025

L’écume de nos angoisses : savoir recoller nos morceaux

Par Emmanuelle Brousseau

« L’anxiété c’est quelque chose qu’on ne peut plus ignorer ». C’est le constat que pose l’artiste mosaïste Mélanie Beauchamp, alors qu’on discute de sa nouvelle exposition L’écume de nos angoisses. Présentée jusqu’au 26 octobre 2025 au Centre des arts de Shawinigan, cette exposition collective s’interroge sur l’impact de l’anxiété sur le corps et dans la vie d’une personne. Qu’est-ce que l’on ressent lorsque nos angoisses nous submergent? Quel genre d’influence peuvent-elles avoir sur nos décisions quotidiennes?  C’est ce que reflètent les différentes mosaïques réalisées par l’artiste et par les participant·es d’une série d’ateliers, qu’elle a organisé avec la collaboration de l’organisme Le Phénix.

Le nouveau mal du siècle

En parallèle à son métier d’artiste, Mélanie Beauchamp travaille comme adjointe administrative dans un centre de psychologie. C’est là-bas qu’elle a eu l’idée de l’exposition, elle qui est témoin du nombre croissant de demandes de consultation concernant des troubles anxieux. L’artiste, qui s’intéresse à la notion de continuité – autant dans la « fluidité du temps qui passe » que par les moments de fracture – y a vu un parallèle avec sa démarche artistique : « quand on est anxieux, on vit un moment de rupture ou de pause… » Elle donne comme exemple les gens qui s’isolent, lorsqu’ils sont envahis par l’anxiété. Ce comportement, qui peut être apaisant sur le coup, peut avoir des répercussions négatives sur les relations et la carrière d’une personne. C’est ainsi qu’elle a eu envie d’explorer ce vaste sujet, en montrant surtout son impact sur l’humain : « on est beaucoup dans ‘’ trouver des trucs et des outils pour gérer l’anxiété au quotidien ’’. Mais qu’est-ce qui se passe à l’intérieur de nous, concrètement ? »

Une exposition collective

Isolement, ruminations, palpitations cardiaques, trouble du sommeil, tremblements… Les manifestations physiques et psychiques de l’anxiété peuvent varier selon le type d’enjeux auxquels on fait face et notre bagage de vie. Pour réaliser son projet, Mélanie Beauchamp est allée à la rencontre de ceux et celles qui vivent avec l’anxiété au quotidien. Avec l’aide de l’organisme le Phénix, qui offre des services de soutien en santé mentale, elle a organisé une série de cinq ateliers sur le processus créatif d’une mosaïque. Lors du premier atelier, une intervenante de l’organisme a décortiqué ce qu’est l’anxiété. Ensuite, Mélanie Beauchamp a invité les participant·es à associer des images à certaines manifestations de ce trouble. À partir des idées générées par ce processus, les participant·es ont réalisé une aquarelle, en guise de guide pour leurs œuvres, avant de passer les trois derniers ateliers à travailler sur leurs mosaïques.

L’écume de nos angoisses est une première expérience d’exposition pour les participant·es des ateliers. Les œuvres qu’ils et elles ont créées représentent symboliquement les manifestations de l’anxiété (un volcan, une spirale…) ou quelque chose qui leur fait du bien: « Je pense à une participante qui a fait une fleur. Elle a représenté quelque chose d’apaisant », ajoute Mélanie Beauchamp. Pour lier les différentes œuvres et les ramener à l’expérience du corps, l’artiste a réalisé trois sculptures de mosaïques, aux formes organiques. Celles-ci ont été créées avec des matériaux de couleur beige, rouge et bleu, pour se rapprocher des différentes nuances de la peau. Des touches de noir ont été ajoutées pour symboliser les traces de l’anxiété sur le corps.

L’art comme moyen de se reconstruire

Il n’est pas rare que l’on parle des bienfaits de l’art sur le système nerveux. Que ce soit de s’adonner à la peinture, suivre des cours de danse ou même de dessiner des mandalas, l’art peut devenir l’exutoire parfait et un moyen de mettre sur pause nos angoisses. Selon Mélanie Beauchamp, la mosaïque permet les deux : d’un côté, on doit casser la matière et ensuite, il faut placer chaque petit morceau au bon endroit, pour réaliser l’image désirée. C’est un travail qui est à la fois brut et méticuleux : « On est dans la lenteur. Ça prend du temps », ajoute l’artiste.

Elle y voit aussi une métaphore qui peut s’appliquer à différents aspects de la vie, notamment l’anxiété : « C’est comme quand il nous arrive quelque chose de plus difficile dans la vie et qu’on se dit : ‘’ je suis en mille morceaux ’’ […] Et après ça, on prend tous nos morceaux et on se reconstruit. On les remet ensemble. »

Comme quoi, chaque moment de fracture a le potentiel d’être transformé en œuvre d’art.

Envie de découvrir l’exposition L’écume de nos angoisses? Vous avez jusqu’au 26 octobre 2025 pour aller la voir au Centre des arts de Shawinigan.

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