26 janvier 2024

Jean-Marie Gagnon : quand la matière rencontre l’espace

Par Alexandre Poulin

Artiste renommé ayant participé à la réalisation d’œuvres qui trônent aujourd’hui dans plusieurs parcs et édifices publics de la région, Jean-Marie Gagnon est passé maître dans l’art de la sculpture. Un art aussi admiré qu’incompris.

Jean-Marie Gagnon dans son repère situé à même les locaux de l’Atelier Silex, organisme qu’il a cofondé en 1983 avec d’autres étudiants en arts visuels nouvellement diplômés. © Alexandre Poulin

Un projet de vie

Originaire d’Amqui en Gaspésie, c’est en s’installant à Trois-Rivières à la fin des années 70 que son aventure artistique prend racine. Co-fondateur et membre honoraire de l’Atelier Silex, il a activement collaboré à plus d’une centaine de projets de créations présentés aux quatre coins de la province. Fort d’un savoir-faire qui se fait de plus en plus rare, l’artiste, trop humble pour l’admettre, est un véritable pilier du milieu culturel de la région. Dans sa caverne d’Ali Baba où s’empilent outils et maquettes par dizaines, Jean-Marie Gagnon est là, cigarette au doigt, prêt à discuter de ce qui le passionne, de son « projet de vie » depuis plus de 40 ans : la sculpture.

La matière comme point de départ

Traversant les époques de la préhistoire à nos jours, la sculpture est un art total qui, sans que nous le sachions, s’est inscrit petit à petit dans notre quotidien. Grâce notamment à la Politique d’intégration des arts à l’architecture et à l’environnement du Québec, les multiples visages de la sculpture se déploient un peu partout sur le territoire et tapissent le paysage de nos villes et de nos campagnes.

Lorsque l’on pense à cette discipline artistique, on pense inévitablement aux musées remplis de statues de la Grèce antique et aux grands monuments représentant des personnages célèbres. Mais aussi simple que cela puisse paraître, une œuvre sculpturale peut aussi se résumer en une agglomération d’objets divers ou une mise en scène réunissant des éléments naturels ; tout dépend de ce que l’artiste souhaite véhiculer comme message.

Celui qui se considère à la fois artiste et artisan croit que la sculpture dite traditionnelle nait au moment où l’artiste désire s’exprimer sur un sujet précis ou abstrait, qui sera ensuite transmis par le médium utilisé. Que ce soit via la pierre, le bois, le verre, le métal ou même la glace, le travail du·de la sculpteur·ice est d’abord et avant tout une question de technique. Iel doit tailler, couper, percer, sabler, polir ou vernir et « chercher à extraire quelque chose [une idée, un message, une forme] de la matière, à assembler et agencer différents matériaux ». C’est au contact de la matière que les outils et les mains de l’artiste donneront vie à l’œuvre.

« La sculpture, c’est un environnement, une manière d’appréhender un lieu, un espace qui devient sculptural. »

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Plan rapproché de certaines maquettes réalisées par Jean-Marie au fil des ans. © Alexandre Poulin

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Sculpture réalisée par Jean-Marie parmi une tonne d’objets de toute sorte ayant le potentiel de servir un jour à la création d’une œuvre. © Alexandre Poulin

Ce qu’il en est aujourd’hui

Depuis le début de sa carrière, Jean-Marie a vu la sculpture se transformer au rythme des courants artistiques, de l’influence des nouvelles technologies et des nouveaux matériaux à l’instar de la peinture ou de l’estampe. Son évolution est si rapide qu’elle peut sembler difficile à comprendre. Néanmoins, il trouve les mots justes pour résumer son état actuel : « la sculpture, c’est l’espace ! ». Selon lui, cet art ne se concentre plus uniquement sur la matière car elle intègre d’autres disciplines comme la vidéo, la performance, l’art sonore, etc. Bien que cela ait toujours été le cas, l’espace occupe plus que jamais une place fondamentale dans le processus créatif des sculpteur·trices. « La sculpture, c’est un environnement, une manière d’appréhender un lieu, un espace qui devient sculptural ». Même si cette définition demeure abstraite, il n’y a qu’à visiter la plus récente exposition pour constater que les œuvres deviennent des expériences de déambulation et d’immersion. Lorsqu’on le questionne sur le futur de l’art dont il a fait son projet de vie, Jean-Marie répond que la création est un cycle, qu’il y a toujours des « conjonctions dans la façon de percevoir la sculpture et que beaucoup [d’œuvres actuelles] correspondent de près ou de loin à quelque chose qu’on a déjà vu. C’est toujours en ébullition, en mouvement ». Comme quoi, sous ses apparences parfois inaccessibles, ses diverses variations la rendent à la portée de tous et de toutes.

La région regorge d’œuvres d’art réalisées par des sculpteur·trices d’ici qui méritent que l’on s’y attarde. Que ce soit en visitant le Centre d’exposition Léo-Ayotte de Shawinigan, l’Atelier Silex de Trois-Rivières, la Biennale nationale de sculpture contemporaine ou tout simplement en vous baladant dans les villes et villages de la Mauricie, gardez l’œil ouvert, une sculpture se trouvera certainement sur votre chemin.

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