20 mars 2024

Se raconter des histoires : quelques conseils pour s’initier à l’art du conte

Par François Désaulniers

Jean-Philippe Marcotte fait du conte depuis plus de vingt ans. Fondateur de Personare, il incarne des personnages dont il enfile le costume afin de nous plonger dans les péripéties de leur époque. Le conteur, également professeur au Collège Laflèche en tourisme, s’intéresse particulièrement aux faits connus ainsi qu’aux légendes d’ici. Vulgarisateur historique, il aime revisiter des classiques du patrimoine tels que La chasse-galerie, Rose Latulippe, Joe Violon ou les histoires autour des Forges du Saint-Maurice.

Faisant partie du milieu depuis longtemps, fort d’une expérience de juge sur des concours de conte, Jean-Philippe nous décrit les spécificités de son métier de grand parleur. « S’il y a un art qui est personnel, c’est bien l’art de conter. Chaque conteur a sa façon à lui de travailler sa matière, de faire vivre le conte. » Bref, il y a toutes sortes d’approches et de saveurs : historique, divertissant, introspectif… Mais au-delà des styles, qu’ont en commun ceux et celles qui maîtrisent l’art du conte? Avec générosité, sans prétention, Jean-Philippe nous refile quelques conseils d’un conteur sachant conter.

Jean-Philippe Marcotte en pleine animation aux Fêtes de la Nouvelle-France en 2017. © Audet photo

Une parole (pas) sacrée

D’abord, il faut aimer parler. Encore plus qu’écrire. « Si on recule dans le temps, le conte, c’était les vieux du village qui racontaient des histoires. Les gars au camp de bûcheron qui t’expliquaient comment ça s’était passé les autres années… À la base, le conteur, c’est celui qui va raconter pour divertir la soirée. » Il s’agit donc d’un art vivant, brut et interactif. Ainsi, il ne faut pas avoir peur d’être interrompu par les gens ou les éléments. « Si te faire couper la parole te nuit, tu n’es pas à la bonne place. » Lors d’un conte, être dérangé peut être un cadeau. Il faut savoir accueillir, récupérer et intégrer ce qui arrive.

Lève-toi et marche!

D’après Jean-Philippe, le conte se distingue du théâtre par sa flexibilité et de l’improvisation par sa préparation. Pas besoin d’un punch à chaque ligne comme en humour, non plus. Il faut  toutefois que ça coule sans jamais perdre son chemin. Pour y arriver, Jean-Philippe répète d’abord en solitaire. Il suggère de pratiquer chez soi, en marchant. Ou même en voiture (avec prudence). En mouvement, on risque d’être déconcentré à tout moment. Ce qui s’avère excellent pour se préparer aux conditions du conte devant public.

Conter, conter, conter

« Il ne faut jamais livrer à froid. » Alors, comment faire pour casser ses contes? On peut tester devant les amis et la famille, mais Jean-Philippe recommande surtout les cercles de conteurs. Celui de Trois-Rivières se réunit tous les mois, de septembre à avril. Pas besoin d’y présenter une prestation peaufinée. Il s’agit d’une transmission de parole plutôt que d’un spectacle. Le cercle accueille les amateurs comme les vieux routiers. Une excellente occasion pour s’initier, tester du matériel et se laisser inspirer par les autres. Si vous êtes curieux·se, il est possible de seulement y assister.

« S’il y a un art qui est personnel, c’est bien l’art de conter. Chaque conteur a sa façon bien à lui de travailler sa matière, de conter. »

Jean-Philippe Marcotte, conteur

Jean-Philippe Marcotte en pleine animation historique à l’Île Saint-Quentin à l’hiver 2024. © Charles Desroches

Qui parle?

Avant tout, il faut définir son univers. « Veux-tu te raconter? Préfères-tu les vieilles histoires? Qu’as-tu le goût de conter? » Jean-Philippe croit qu’on doit miser sur l’unicité de son point de vue, parler de ce qu’on connaît, afin de faire comprendre au public où l’on est. Par la suite, on peut s’amuser à ajouter des clins d’œil à d’autres contes et se lancer des défis d’écriture avec d’autres conteurs·euses.

Assieds-toi et conte

Un dernier conseil de Jean-Philippe : « Trouver la bonne chaise. » Selon lui, c’est l’accessoire central du conteur. Un véritable point d’ancrage. Qu’on y mette le coin d’une fesse ou que l’on s’assoit plus confortablement, elle aide à établir l’ambiance. Bûche, banc, boîte, récamier antique, la « chaise », dans son sens large, est le point central scénographique. Elle permet de jouer sur le rythme. En passant d’une station à l’autre, le public comprend que quelque chose vient de changer dans le récit.

Justement, alors que je note une dernière phrase pour notre entrevue, Jean-Philippe se lève. Sa place de stationnement est bientôt échue. Je l’entends marmonner qu’il ne voudrait pas que Belzébuth lui laisse encore une contravention sur son canot volant.

À vos marques, prêts, conter!

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