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12 novembre 2024
Se donner la réplique autour de la mort : le théâtre comme outil de sensibilisation au suicide
À l’approche de la présentation de Merci d’être venus à la salle Anaïs-Allard-Rousseau le 20 novembre prochain, on se questionne à savoir en quoi le théâtre peut-il contribuer à faire la paix avec le suicide d’un proche, voire même le prévenir?
Retour sur notre entretien avec l’auteur et comédien de la pièce, Gabriel Morin, ainsi qu’avec Léa Cossette-Martin, responsable des communications au Centre de prévention du suicide Accalmie.
Un deuil à encrer les feuilles
Même s’il a toujours voulu, suite au passage à l’acte de son frère aîné Frédéric en 2009, trouver une façon de s’exprimer là-dessus, c’est en 2018 que Gabriel Morin commence l’écriture de Merci d’être venus, mué par le désir d’agir, de donner un sens à cette perte, de la transformer.
« Je le dis dans la pièce. Je ne suis ni intervenant, ni psychologue, mais en tant qu’auteur, je peux créer une pièce où j’ai une dernière conversation avec mon frère, car c’est ça qui me manquait le plus. »
« Quand quelqu’un s’enlève la vie, continue-t-il, on fait face à un geste insensé, incompréhensible. En personne endeuillée, je cherchais des réponses. »
Pour le dramaturge, l’écriture intervient alors comme un terrain pour fouiller les différentes émotions vécues dans la poursuite de sa quête de réponse. « Et peut-être aussi, ultimement, arriver à partager cette réponse-là aux autres. », admet-il.
« Si moi je trouve quelque chose qui me fait du bien là-dedans, une paix, une sérénité, bien je veux la partager. Le théâtre, c’est un beau moyen de le faire. »
Gabriel Morin, auteur et comédien de la pièce Merci d’être venus
© Marion Desjardins
Les réactions du public
En passant du papier à la scène, Gabriel avait-il des appréhensions quant à la réception du public face à une pièce parlant d’un sujet aussi sensible que celui du suicide?
« Je ne savais vraiment pas à quoi m’attendre, car c’est quand même assez terrifiant comme exercice. D’aller raconter ma propre histoire, y a toujours des petits moments où on se dit « Pourquoi je fais ça, ça a pas d’allure! », qu’on doute, mais j’espérais que ce soit bien reçu. »
« Je remarque à chaque fois qu’on joue le spectacle, on a des témoignages de gens qui nous disent merci, ou qui nous disent « Dans ma famille, on n’a jamais nommé la cause de la mort quand mon père s’est suicidé. Merci de le nommer. » »
« Je ne suis pas surpris de voir que c’était nécessaire comme message, mais en même temps, je demeure surpris à chaque fois qu’on entend un témoignage », confie-t-il, touché par l’ampleur de l’impact de sa pièce.
« Il y a un moment où on invite les gens dans la salle à lever la main pour savoir s’ils ont été touchés par le suicide, et c’est impressionnant de constater le nombre de mains levées, à chaque soir. »
Un puissant outil de sensibilisation et de prévention
Même son de cloche du côté de Léa Cossette-Martin, responsable des communications au Centre de prévention du suicide Accalmie : « Le théâtre est un outil puissant pour éduquer, sensibiliser et ouvrir le dialogue autour de sujets difficiles comme le suicide. Par sa nature immersive et émotionnelle, il permet d’aborder des thèmes tabous en rendant le spectateur non seulement témoin, mais aussi émotionnellement impliqué dans les histoires qui se déroulent sur scène. »
À cela elle ajoute : « Certaines pièces touchent même un public qui pourrait se montrer moins réceptif à des campagnes de sensibilisation plus traditionnelles. »
« Dans les 20 dernières années, poursuit-elle, nous avons assisté à une réelle transformation sociale. Grâce aux organismes communautaires, la détresse psychologique est de moins en moins tabou et la maladie mentale est de plus en plus reconnue. »
« Le théâtre est un outil puissant pour éduquer, sensibiliser et ouvrir le dialogue autour de sujets difficiles comme le suicide. Par sa nature immersive et émotionnelle, il permet d’aborder des thèmes tabous en rendant le spectateur non seulement témoin, mais aussi émotionnellement impliqué dans les histoires qui se déroulent sur scène. »
Léa Cossette-Martin, responsable des communications au Centre de prévention du suicide Accalmie
Se reconnaître, sans hésiter
La plupart des personnes qui pensent au suicide envoient habituellement des signes de détresse et de souffrance à leur entourage, souvent accompagnés d’indices sur leurs intentions. « Par exemple, dit Léa, une personne toujours bien mise qui commence à se laisser aller, une personne très ponctuelle qui se met à arriver en retard, une augmentation dans les habitudes de consommation, etc. En cas de doute, il est crucial d’agir et de consulter un·e intervenant·e. »
L’Accalmie enjoint la population à ne pas attendre : « Les centres sont là pour aider dans cette démarche. Nous recommandons de toujours prendre la personne au sérieux, d’aborder directement le suicide avec elle, de lui permettre d’exprimer sa souffrance, de lui transmettre de l’espoir et de l’encourager à aller chercher de l’aide. »
Vous ou l’un de vos proches avez besoin d’aide? C’est par ici. Pour voir Merci d’être venus, rendez-vous le 20 novembre prochain à la salle Anaïs-Allard-Rousseau.