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14 novembre 2023
Le Backstore : une tribune pour la musique émergente et différente
Lorsqu’on m’a demandé d’écrire cet article sur le Backstore, j’ai tout d’abord dû réfléchir au ton que j’adopterais, car ma réalité est la suivante : Je suis un artiste de Trois-Rivières et je suis technicien de son à mes heures. Surtout, je collabore plusieurs fois par année avec Pierre Brouillette-Hamelin, l’homme derrière le Backstore. Je suis donc tout sauf objectif. Voilà, c’est dit. Commençons.
Pierre, s’il est avant tout un ami et un indispensable collaborateur de Perséide, le groupe de musique pour lequel je compose, chante et joue de la guitare, est la personne derrière cette nouvelle salle de spectacles essentielle à la santé d’une scène musicale locale.
Le nom, tout à fait clandestin, ne glisse pas dans l’exercice stylistique. Le Backstore est réellement une arrière-boutique : celle du Dep Frida, épicerie végétalienne située au 507, rue St-Georges fondée par Gabrielle Cossette qui occupait auparavant un autre espace dans le quartier Ste-Cécile.
Pierre Brouillette-Hamelin est bien connu dans la région. Maintenant aux commandes du Backstore, il a longtemps été responsable de la programmation au café-bar Zénob. © Louis-Philippe Cantin
Une fois c’tun gars qui voulait s’impliquer en culture
Bon, trêve de géographie, revenons-en à notre principal intéressé : Pierre Brouillette-Hamelin.
Le nom de ce sonorisateur stoïque au dos le plus droit qu’il m’a été donné de voir derrière une console est bien connu du milieu, au-delà même de Trois-Rivières. Il faut savoir qu’avant de fonder le Backstore, Pierre était derrière la programmation musicale du Zénob. Pendant les 10 ans qui ont précédé la fermeture (heureusement temporaire) du café-bar, si vous avez eu l’occasion d’y jouer avec votre band ou si vous avez eu l’occasion d’y découvrir un·e artiste, sachez que c’est en grande partie grâce à Pierre.
Fier de cette longue expérience qui a fait sa renommée auprès des agences de spectacles alternatives et émergentes, Pierre a donc décidé, au sortir de 2022, qu’il était temps de remettre l’épaule à la roue et de prendre la balle au bond lorsque Gabrielle Cossette lui proposait de transférer tous les spectacles programmés au Café Frida dans une pièce sous-exploitée qui séparait l’épicerie de la cuisine du Dep Frida.
Après quelques négociations avec le propriétaire du bâtiment et des voisins fort compréhensifs, le Backstore voit le jour en mai 2023. Je m’en souviens. J’étais là, car c’est mon groupe qui eut l’honneur de renverser les premières bières sur les planches de l’endroit. Ce jour-là, branle-bas de combat. Je sais que Pierre cherchait les matériaux pour construire une scène. Je sais qu’il est à la recherche d’une console de son pour le premier spectacle. Tout est encore à faire. Heureusement, et on le constate toujours autour d’initiatives du genre, la communauté artistique émergente et alternative est tissée serrée.
Alors que j’entre au Backstore avec mon équipement, je vois Pierre qui dévoile une console de son numérique que le Pantoum de Québec a choisi de prêter à long terme à Pierre. Ça en dit long sur la réputation du gars. J’aperçois aussi l’artiste Andréanne Cartier qui, perceuse à la main, achève la construction d’une scène qu’elle a commencé à bâtir la nuit d’avant avec le bois des anciennes estrades des Terres de Bélénos au Centre-du-Québec, grandeur nature dont Pierre fut jadis co-organisateur (je n’en reviens pas encore, de celle-là). Encore là, les matériaux ont été offerts à Pierre gratuitement. On récolte ce que l’on sème, dit-on.
« Notre objectif, c’est de mettre les artistes locaux à l’avant-plan. Il faut commencer quelque part et, plus souvent qu’autrement, on commence chez-soi. »
Pierre Brouillette-Hamelin
Le groupe trifluvien Perséide lors du lancement de l’album Les couleurs d’été au Backstore en mai 2023. © Benjamin Brousseau
Le conteur, slameur et poète Jimmy Hamel en pleine prestation à l’occasion de la soirée Péril en la demeure, organisée le 6 octobre dernier dans le cadre de la 17e édition du OFF Festival de poésie de Trois-Rivières. © Benjamin Brousseau
Noble mission et défis en région
À son tour, le Backstore a pour mission de semer :
« Notre objectif, c’est de mettre les artistes locaux à l’avant-plan. Il faut commencer quelque part et, plus souvent qu’autrement, on commence chez-soi. »
Brouillette-Hamelin ne mâche pas ses mots lorsqu’il me donne son avis sur le réseau conventionnel de salles à Trois-Rivières. Selon lui, les programmateurs locaux oublient trop souvent les groupes d’ici lorsque vient le temps de penser une programmation. Trop souvent, les artistes d’ici sont relayé·es aux petites salles durant les festivals et ne bénéficient pas d’une tribune nouvelle. Il mentionne également un fossé entre les programmations des salles conventionnelles et établies et les joueurs indépendants.
« Ce serait malintentionné de dire que les salles de la ville ne programment pas d’artistes locaux. Par contre, là où je vois un manque, c’est dans les opportunités qu’on offre à l’émergence. »
Pierre Brouillette-Hamelin
L’objectif du Backstore est avant tout d’offrir cette tribune à l’émergence, avant tout locale, mais également d’ailleurs. La mission du Backstore ne réside pas dans la croissance. Une arrière-boutique, ça reste une arrière-boutique… Or, c’est précisément ce caractère clandestin, punk sur les bords, qui laisse croire à Gabrielle et Pierre que le Backstore peut séduire des artistes plus connu·es, plus établi·es. On l’a vu avec Le Zaricot à St-Hyacinthe où se sont entre autres rendus Karkwa et Daniel Bélanger : il y a une dimension intéressante pour des gros joueurs de replonger dans le contexte plus intime de leurs débuts. En développant cet angle, le duo croit pouvoir aider à la renommée de sa salle et, du même coup, pouvoir mieux s’équiper et offrir de meilleures conditions aux artistes qui font le pari de jouer chez eux.
Parlant de conditions, je vous assure, en tant qu’artiste, que je n’ai jamais aussi bien (et beaucoup) mangé que lorsque j’ai performé au Backstore. Il y a des avantages à ce que l’arrière-scène soit une cuisine!
Longue vie, donc, à cette nouvelle salle de spectacles et à toutes celles qui offrent la possibilité aux jeunes carrières d’artistes de s’épanouir. Longue vie également à Pierre Brouillette-Hamelin qui, depuis plus de 10 ans maintenant, constitue, à mon humble avis, un des piliers de la scène musicale alternative de la Mauricie.
Pour connaître les prochains spectacles présentés au Backstore, c’est par ici.