17 août 2023

L’art de faire sourire selon Rémi Francoeur, passionné du genre humain

Par Cindy Rousseau

Si franchir la bulle d’autrui n’a pas eu la cote dans les dernières années, le comédien ambulant Rémi Francoeur, lui, l’outrepasse joyeusement depuis près de 20 ans au moyen d’une tactique infaillible : l’art de faire sourire.

Spécialisé en animation de rue et en théâtre clownesque, il fait de l’espace public son aire de jeu où interprétation et improvisation se côtoient de près. Prenant les traits de personnages loufoques et éclatés, il se glisse dans la foule et y apostrophe cordialement petit·es et grand·es, comme on croiserait un ami de longue date.

« Le 4e mur au théâtre m’a toujours un peu dérangé. J’aime entrer dans la bulle des gens, admet-t-il, l’air amusé. Je tente de m’insérer dans leur conversation et de les surprendre. Si, dans les premières secondes, j’ai réussi à obtenir ne serait-ce qu’un sourire, je sais que j’ai ma place. »

Rémi Francoeur dans le rôle du Dr Recyk-Tout. © Félix Deconnick

Petit frère, grand comique

Bien que sa feuille de route soit garnie d’une pléiade de formations et d’expériences professionnelles en théâtre d’interaction et jeu clownesque, c’est en bas âge que Rémi Francoeur fait ses premières armes dans l’univers de la comédie.

« Je suis un petit frère, et ma façon de réussir à capter l’attention des plus grands autour de moi, c’était en faisant des blagues, se plaît-il à se remémorer. Que ce soit en racontant des jokes de newfie apprises par cœur ou en ayant de la répartie pour répondre rapidement quelque chose de drôle, c’était ma façon d’aller chercher l’approbation d’autrui. »

Du nid familial aux bancs d’école, cette propension à vouloir faire rire persiste et emprunte d’autres sentiers.

« Ma première « gig » d’humour, c’était à mon école primaire à Shawinigan-Sud. J’ai joué l’épouvantail dans le spectacle Le Magicien d’Oz, évoque le comédien, hilare, repensant à son accoutrement scénique. J’avais réussi à faire rire le public une fois ou deux et j’avais aimé ça. Aussi, le sentiment de fouler les planches m’avait plu. »

Révélateur, ce premier contact avec le public sera déterminant pour la suite des choses. De Québec à Trois-Rivières, en passant par les Maritimes, Cuba, le Guatemala, Sainte-Lucie et les États-Unis, Rémi Francoeur additionnera les expériences en théâtre d’intervention, improvisation, théâtre de rue, vulgarisation historique, conte, marionnette, animation d’événements et jeu à la caméra.

Artiste polyvalent, il adjoindra aussi à son riche parcours un diplôme de l’École de Clown et Comédie Francine Côté, une institution réputée. « Cette formation en théâtre clownesque a éveillé quelque chose en moi. L’univers du jeu physique et le fait de ne pas avoir à apprendre un texte par cœur, ça me nourrissait beaucoup », affirme celui qui ne cessera, par la suite, de pratiquer cette forme d’art.

Si tout le monde aime Rémi Francoeur, les enfants, eux, l’adorent! © Gracieuseté de l’artiste

L’ouvrier forestier Draveur-Gaffeur (Rémi Francoeur) en compagnie de son acolyte transportant un tronc d’arbre. © Étienne Boisvert

Gagner l’affection du public

Qu’il soit dans la peau de l’ouvrier forestier Draveur-Gaffeur, transportant sur son épaule un tronc d’arbre démesuré, celle de Tadam le lutin, affublé d’oreilles pointues et d’un nœud papillon carreauté, ou celle du Dr Recyk-Tout, tirant derrière lui un bac de récupération roulant, le défi du théâtre d’interaction demeure le même pour Rémi Francoeur : mettre le public dans sa poche. Comment choisit-il d’y parvenir? En étant, ni plus ni moins, la tête de Turc.

« Je tente de créer des situations où je fais en sorte que les spectateurs rient de moi. Je leur donne le droit de dire à mon personnage : « T’es con! » De cette façon, même si une blague ou mon approche fonctionne moins bien, les gens se prennent tout de même d’affection pour mon personnage », explique celui qui n’hésite pas à user de cette fine stratégie, même dans des contextes plus délicats.

« Une fois, j’étais en train de faire une animation dans un hôpital pour la Fondation Dr Clown et j’aperçois un enfant qui fait un bricolage dans lequel il y a des yeux, raconte-t-il. Je parle avec les éducatrices et celles-ci me disent qu’il est aveugle à 99 %. Je pointe alors le dessin et je décide de dire avec toute la naïveté et la candeur de mon personnage clownesque : « Heille, ce sont ses yeux! Je les ai trouvés! » Ç’a fait rire tout le monde, tellement c’est absurde de dire ça. De cette manière, c’est de moi dont on a ri, et non du fait que l’enfant soit aveugle. »

Selon Rémi Francoeur, un jeu physique captivant et évocateur détient le même pouvoir d’éloquence que la réplique la plus bouffonne.. © Félix Deconnick

Un non-verbal qui en dit long

Pour parvenir à gagner la sympathie du public, il faut d’abord savoir aller à sa rencontre au moment opportun. Selon Rémi Francoeur, il est essentiel de mettre à profit son sens de l’observation.

« Il faut être à l’écoute des gens pour savoir établir le contact au bon moment », relève-t-il. Il faut se servir de ses « antennes » pour bien lire le non-verbal des gens. Ça me fait penser au métier de barman que j’ai fait pendant quelques années. Il faut savoir arriver à la table au moment opportun pour ne pas couper la phrase du client qui est en train de parler. C’est une question de timing. »

En plus de lui permettre de jauger le degré de réceptivité d’autrui, le langage du corps est aussi, pour Rémi Francoeur, un moyen efficient de capter l’attention de l’auditoire. Un jeu physique captivant et évocateur détient, selon lui, le même pouvoir d’éloquence que la réplique la plus bouffonne.

« Je prends conscience, avec le temps, que les personnages non verbaux sont tout aussi efficaces que les personnages verbaux. Étant verbomoteur de nature, c’est sécurisant pour moi d’emprunter ce sentier-là. Je suis dans mes pantoufles, confie-t-il. Or, quand tu es dans ton corps, tu es plus vulnérable et les gens sont attentifs à d’autres aspects. Je me rends compte que ça parle autant au public et plus ça va, plus je me permets cette avenue-là. »

« J’essaie aussi de ralentir de mon rythme de jeu, d’être moins dans l’hyperactivité, ajoute celui qui, malgré sa notoriété dans le milieu du théâtre d’interaction, ne cesse d’expérimenter de nouvelles formes d’interprétation. C’est en voyant des collègues travailler que je me suis rendu compte qu’un jeu physique lent et senti est tout aussi comique qu’une prestation verbale. Il ne se passe presque rien, mais ça crée un suspense qui attire l’attention. Et puis, on va se le dire, à la fin, tu es pas mal moins épuisé! », reconnaît-t-il en s’esclaffant.

Et alors que vous croyez avoir le contrôle de la situation, voilà que l’inattendu se pointe le bout du nez et qu’il faut être prêt à improviser.

« Aimer l’imprévu, c’est essentiel. C’est bien d’avoir des séquences de mouvements ou des phrases préparées à l’avance, mais il faut savoir composer avec ce qui se présente à nous spontanément, insiste Rémi Francoeur.

« Une fois, j’étais en train de me préparer à faire une animation et un passant sur la rue m’a demandé : « Tu t’en vas faire quoi? » Je lui ai répondu : « Je le sais pas et j’ai bien hâte de voir! »

Sans doute, récolter d’innombrables sourires.

 

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