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26 mai 2022
Harmonium symphonique à l’Amphithéâtre Cogeco: Entendre une cinquième saison
Le 24 mai dernier, l’équipe de DICI était à la première du spectacle Harmonium symphonique – Histoires sans paroles présenté à l’Amphithéâtre Cogeco. Compte rendu d’une expérience hors de l’ordinaire!
Un récit juste assez cryptique
Se retrouver ailleurs tout en se sentant plus chez soi que jamais, voilà ce que la musique d’Harmonium accomplit depuis la sortie de l’album homonyme du groupe en 1974.
Le spectacle basé sur Histoires sans paroles n’y fait pas exception. L’arrangement symphonique de Simon Leclerc qui, sur album comme en spectacle, couvre la courte mais poignante discographie d’Harmonium, semble magnifier cette invitation à s’évader; cette proposition que nous a fait l’Harmonium de jadis à s’inventer d’autres couleurs, à se tricoter une cinquième saison.
Si on avait besoin d’une cinquième saison (1975) © Harmonium
Au point du vue scénographique, c’est d’ailleurs particulièrement de Si on avait besoin d’une cinquième saison que se sert Marcella Grimeaux pour élaborer le récit visuel qui accompagne l’auditoire tout au long du spectacle. Bancs de parcs, panoramas de villes grises, monticules verdoyants et moussus (d’où s’éveille éventuellement une Luce Dufault aux allures de Gaïa) et forêts traversant les saisons s’alternent pour nous plonger dans l’onirisme des textes d’Harmonium qui, rappelons-le, sont effacés de cet arrangement symphonique.
Ce récit sans texte laisse place à l’interprétation, nous laisse flotter au-dessus de la mêlée et nous pousse à s’oublier, à suivre l’enfant en nous qui, comme le lapin blanc d’Alice au Pays des merveilles, nous entraîne dans une course psychédélique et effrénée au fond de son terrier. Mention spéciale d’ailleurs à l’utilisation de la figure du lapin blanc dans ce spectacle. À la fois séduisant et inquiétant, ce symbole nous rappelle à maints moments que de sauter dans le vide et de se laisser aller peut parfois faire peur.
Un tour de maître technique
Si le récit invite à sauter dans le vide, le spectacle dans son ensemble, lui, montre que l’équipe de conceptrices et concepteurs s’est risqué au grand plongeon pour réussir ce tour de maître technique. En témoignent les divers éléments qui construisent la représentation tels que la monolithique pièce plafonnière qui surplombe l’orchestre dont la cavité sert de pont entre les scènes projetées et les scènes chorégraphiées.
Histoires sans paroles – Harmonium symphonique (2020) © Orchestre symphonique de Montréal
Cependant, ce qui impressionne le plus au sortir de ce grandiose hommage à Harmonium est sans l’ombre d’un doute la qualité sonore du spectacle. Comme pour l’album Histoires sans paroles, chaque interprète se voit accorder une prise de son individuelle qui, au bout de la ligne, offre à l’auditoire une expérience symphonique en direct aux qualités cinématographiques indéniables. Chaque détail, chaque leitmotiv que met en valeur la cheffe Dina Gilbert, qui dirige avec brio l’Orchestre symphonique de Trois-Rivières, est donc magnifié par le travail impeccable de sonorisation de Larry O’Malley.
Avec Harmonium symphonique, l’Amphithéâtre Cogeco frappe juste et amorce sa saison en force. Cet hommage à une musique qui a su faire son empreinte dans la mémoire collective québécoise est loin de donner l’impression de capitaliser sur la nostalgie. Assister à Histoire sans paroles en spectacle, c’est assister à la version la plus développée d’Harmonium à ce jour. C’est assister à l’héritage d’une musique qui a fait naître nombre de créateurs et de créatrices tant elle est inspirante.