24 avril 2025

Stella Montreuil : l’art de la transmission

Par Cindy Rousseau

Affirmer ne l’avoir jamais croisé au théâtre, lors d’un concert, au cinéma ou dans une salle d’exposition revient à dire que vous n’avez jamais mis les pieds dans un lieu culturel. Stella Montreuil est abonnée à l’art 365 jours par année. Figure marquante de l’enseignement et du développement culturel à Trois-Rivières depuis plus de 50 ans, elle transmet son amour de l’art, tel un puissant antidote à la morosité.

« La culture n’est pas un luxe, mais une nécessité, soutient avec conviction celle à qui Culture Mauricie a décerné son prix Hommage – Arts Excellence 2025 pour son apport remarquable à la culture régionale. Il y a des gens qui seraient moins malades s’ils avaient plus de culture dans leur vie. »

L’art, une redoutable panacée? Stella Montreuil y croit fermement, ordonnance à volonté. Professeure de français et d’art dramatique à l’école secondaire Keranna durant 33 ans, elle a fait de la pratique du théâtre sa médecine pédagogique dont elle n’a pu observer que des bienfaits.

« J’ai vu des élèves avec des difficultés d’apprentissage se dévoiler soudainement sur scène et récolter l’admiration des autres. C’est extraordinaire ce que ça peut produire! L’art dramatique permet d’aller au-delà de sa gêne et de travailler sur soi-même, en jouant à être quelqu’un d’autre. Je disais toujours aux élèves qu’il n’y a pas de petit rôle, seulement des occasions d’apprendre à se connaître et à se dépasser. »

Cette approche éducative axée sur la créativité a porté ses fruits. Au fil des années, Stella Montreuil a eu la fierté de voir plusieurs de ses ancien·nes élèves se distinguer dans le milieu culturel, à l’image de Julie Brosseau, directrice générale de l’Orchestre symphonique de Trois-Rivières, d’Éveline Charland, codirectrice générale du Salon du livre et du Festival international de la poésie de Trois-Rivières, de Linda Corbo, autrice et journaliste, et de Geneviève Alarie, comédienne.

« Ç’a été un bonheur de voir ces filles-là s’engager dans toute sorte de projets. Et le plaisir que j’ai, aujourd’hui, à les voir me revenir, à échanger avec elles et même, à travailler en leur collaboration! », témoigne-t-elle, l’œil pétillant.

Stella Montreuil a été administratrice du Salon du livre de Trois-Rivières pendant 20 ans, dont huit en tant que présidente. Elle est ici en compagnie de l’actrice et autrice Louise Portal. © Gracieuseté

L’appel de la culture

En 2004, Stella Montreuil fait ses adieux au monde de l’enseignement pour se consacrer pleinement à sa seconde vocation : la culture. À partir de ce moment, l’art devient à la fois une source d’enrichissement et une cause qu’elle s’engage à défendre. Animée d’un enthousiasme contagieux et d’une énergie inépuisable, elle multiplie les implications tout autant que les sorties culturelles.

Cofondatrice de Ciné Trois-Rivières (anciennement Ciné-Campus) en 1968, elle en assure alors la direction générale depuis quatre ans, un rôle qu’elle continue d’occuper avec ardeur deux décennies plus tard.

À son inclination de longue date pour le septième art, s’ajoute une vive passion pour les mots. Administratrice du Salon du livre de Trois-Rivières pendant 20 ans, dont huit en tant que présidente, elle est également animatrice au Festival international de la poésie de Trois-Rivières depuis plusieurs années, se plongeant à chaque édition avec emballement dans l’univers créatif d’écrivain·es d’ici et d’ailleurs.

« D’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours aimé la littérature. Tellement, que ma grand-mère disait : “Coudonc, elle n’est pas polie. Elle est toujours prise dans son livre.” Quand j’ouvre un livre, j’oublie tout le reste. C’est la même chose quand je vois un film ou que je vais au théâtre. J’entre dans l’histoire et il n’y a plus rien d’autre. J’appelle ça vivre des vies que tu ne vivrais pas normalement. »

Ces mondes imaginaires, elle s’y évade aussi par la musique. Présidente du Conservatoire de musique de Trois-Rivières durant 12 ans et impliquée auprès de l’Orchestre symphonique de Trois-Rivières, elle dirige l’Ensemble Vocalys depuis 15 ans, offrant aux mélomanes des concerts de chant choral de haut niveau.

Présidente de Culture Trois-Rivières pendant 20 ans, elle agira comme fière ambassadrice de la vie culturelle trifluvienne, récoltant au passage un florilège de distinctions, telles le Chevalier de l’Ordre de la Pléiade en 2010, la Médaille du Lieutenant-gouverneur en reconnaissance de l’engagement social et du dépassement de soi en 2017 et le Prix Hommage bénévolat-Québec, l’an dernier.

« Il y a, dans le milieu culturel régional, un esprit de collaboration qui assez exceptionnel. On est capable de s’allier pour que les choses soient meilleures. Dans toutes mes implications, le travail d’équipe est présent et ce qu’on souhaite avant tout, c’est que les gens soient heureux. »

Impliquée depuis longtemps dans sa communauté, Stella Montreuil a été présidente de Culture Trois-Rivières pendant 20 ans. © Étienne Boisvert

Ministre d’une culture au service des gens

Ministre de la culture. Bien que ce titre ne soit pas officiel, à Trois-Rivières, on l’utilise affectueusement pour la désigner. Si Stella Montreuil n’aspire pas à une carrière à l’Assemblée nationale, elle souhaiterait néanmoins voir la culture occuper une place plus centrale dans les priorités politiques.

« Comme ministre, je ferais comprendre que 1 $ investi en culture en rapporte 7. On s’imagine que la culture, on lui rend service. Ce n’est pas vrai, c’est elle qui rend service aux gens. Il faudrait inverser cette pensée-là, insiste-t-elle. C’est bien beau les pilules, mais moi, quand je vais voir une pièce de théâtre ou un film, je n’ai pas mal à nulle part! »

Celle qui œuvre, depuis cinq décennies, à valoriser et soutenir le milieu culturel souhaiterait aussi pouvoir donner aux créateur·rices les moyens de réaliser pleinement leurs ambitions.

« J’aimerais que les artistes soient mieux payés. Je trouve que c’est une catégorie de gens à qui on demande beaucoup et à qui on ne donne pas assez. J’offrirais aussi quelques millions de plus à bien des organismes culturels, formule-t-elle sans hésiter. Je souhaiterais également qu’il y ait plus de lieux de diffusion des arts et de la culture, pour qu’un plus grand nombre de gens puissent y présenter des choses, et pas seulement des professionnels.

Fidèle à sa vocation d’enseignante, Stella Montreuil rêve également d’intégrer davantage la culture dans le milieu scolaire. « Les arts doivent être présents dans toutes les écoles, et ce, dès la maternelle. Il faut qu’on comprenne que ça fait partie de notre l’ADN. La culture et l’éducation, ça va ensemble. »

Passionnée et engagée, elle se fait l’éternelle passeuse de culture, espérant offrir à travers l’art un héritage vivant : celui de la curiosité, de l’émerveillement et du dépassement de soi.

« Pour moi, d’accepter le prix Hommage de Culture Mauricie, c’est aussi de rendre hommage à mes élèves. Je leur ai toujours dit que c’est important d’être autonome et de se réaliser soi-même, évoque-t-elle, à la fois fière et reconnaissante. J’ai également quatre petites-filles qui voient leur grand-maman accomplir différentes choses. Ça aussi, c’est important. »

Découvrez ici la vidéo réalisée à l’occasion de la remise de la Médaille des bâtisseurs à Stella Montreuil lors des 26e Prix Arts Excellence de Culture Mauricie.

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