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29 mars 2019
Parle par Marjolaine Beauchamp, écrivaine en résidence du Salon du livre 2019
Parle
De tes approximations
De ta maladresse
De cette chaleur qui monte
Quand il faut dire les choses
Des embouteillages émotifs qui serrent ta gorge
De ta pensée galaxie et l’entonnoir de ta bouche
Parle de ce qui vit dans ton regard
Ce qui explose et jaillit de part tes yeux
La vastitude ton univers
Ce réel qui est le tien
Ce qui te nourit
T’émeut
Te scie les bras
T’arrache le cœur qui coule de l’or dans tes fissures
Parle
Raconte-moi l’ivresse de tes aurores
« Tout est possible »
Et ces journées qui n’en finissent plus de ne pas finir
Tes soupers interminables, les devoirs et l’heure du bain
Des crises carabinées et des bouttes du boutte
Où même la lumière s’est pas rendue au bout du tunnel
De toi à côté d’la laveuse en sanglot
Recroquevillée dans le silence
Trompeur de l’après-midi
Parle
De ton corps exténué
De ton dos brisé, tes mains rugueuses
Tes ongles noircis par la graisse des machines
De chaque jour de la semaine
En forme de combats et de tes replis dans le rang de la fatigue infini
Parle de ta colère par esthétique
De ton gros bagage
De tes mercredis stériles dans le ventre, du vide,
de cette voix que tu cherches dans tous les échos de corridors
Parle
Avec ta langue sale
Ta langue croche, tes mots patchés, tes discours en courtepointe,
tes hoquets d’anxiété
Ton incertitude, ta fragilité de papier de soie
Parle
Jusqu’à ce que ta gorge râpe
Que ton cœur vocifère,
Parle jusqu’à la colère ou l’apaisement
Parle comme tu peux, pas comme il faut
Parle irrévérencieusement
Parle amoureusement
Parle, parle jusqu’à ce que tous les mots tourbillonnent, s’entrechoquent, indignent et réparent
Parle en shrapnels, en missive, en prière, en braille, en anglais, en alexandrin
Juste qu’on sache que t’es pas mort