28 mars 2024

Cristina Moscini : renaître de ses cendres tel un phœnix

Par Caroline Ruest

Puissante, troublante, résiliente, la belle Italienne à la chevelure d’ébène est une survivante. De son enfer jonché de verres, Cristina Moscini a su faire émerger la lumière en s’armant de courage pour délaisser une vie hautement anesthésiée. À force d’aligner les mots, plutôt que les ivresses, cette femme a appris à embrasser sa vulnérabilité et partir à la conquête de sa vérité. Regard sur une artiste authentique et sans tabous.

Originaire de Québec, Cristina Moscini habite depuis plusieurs années la Mauricie. Le 27 mars dernier, Cristina remportait le Prix Rayonnement lors des 25e prix Arts excellence, une joyeuse reconnaisse de son apport inestimable à la scène culturelle de sa région d’adoption. © Emilie Duchesne

Shawiniganaise d’adoption, Cristina Moscini est originaire de l’arrondissement de Beauport, à Québec. Forte de ses études universitaires en création littéraire, elle a su exploiter ses aptitudes afin de les mettre au service de son art avec une première nouvelle intitulée Bang Bang, publiée aux éditions De Courberon en 2008. En 2011, Cristina a fondé et dirigé Burlestacular. Autofinancée, autoproduite et indépendante, la première troupe burlesque de la ville de Québec a été en activité jusqu’en 2017. Lorsqu’elle a amorcé sa lutte contre l’alcoolisme en 2020, Cristina a entrepris l’écriture d’un blogue pour relater son quotidien. De ce blogue est né le monologue théâtral S’aimer ben paquetée qui témoigne de son parcours vers la sobriété. À l’automne 2023, il a été publié aux éditions de L’instant même. Aujourd’hui, Cristina boit des jus de curcuma et adopte à tour de rôle les titres de blogueuse, d’autrice, de rédactrice et de chroniqueuse.

Une enfance bercée par l’alcool

« J’ai commencé à boire dans les biberons que mon père me donnait pour m’arrêter de brailler. […] Trop buzzé[e] pour pleurer ou pour avoir mal » (S’aimer ben paquetée, L’instant même). Enfant, Cristina était une fillette craintive et sensible. Elle redoutait l’alcool qui coulait à flots autour d’elle et qui enivrait les grandes personnes. Vers l’âge de 7 ou 8 ans, on l’incluait déjà dans les rassemblements où on lui servait des shooters d’eau pour l’entraîner dans les rituels d’adultes, « cérémonies de ces empoisonnements romantisés » (S’aimer ben paquetée, L’instant même). À partir de ce moment, son déplaisir s’est peu à peu transformé. Elle souhaitait vieillir assez rapidement pour faire partie intégrante des mœurs de son entourage.

À 17 ans, elle a connu un épisode effrayant aux côtés de son grand-père qui a choisi d’exhiber sa nudité, d’exposer sa petite-fille à une intimité non désirée. « J’ai haï comment je me suis sentie. Faible. Dégueulasse. Triste. Enragée. Atteinte. Je voulais pu me sentir comme ça, jamais. [L]es brosses étaient là désormais pour achever quelque chose en dedans de moi. Pour tuer, engloutir la terreur, l’horreur, la colère, l’impuissance. » (S’aimer ben paquetée, L’instant même). Consciente que l’environnement familial n’est pas seul responsable de son alcoolisme, puisque multifactoriel, elle avoue qu’il y a certainement contribué.

« L’ivresse, c’était comme la clé des champs. Je me sentais plus barricadée, j’avais un bouclier en avant de moi qui permettait qu’on ne m’atteigne pas au cœur. »

Cristina Moscini

Entretien entre Cristina Moscini (autrice de la pièce S’aimer ben paquetée) et la comédienne Ariel Charest au sujet du processus d’écriture de la production. © Étienne D’Anjou pour La Bordée

L’alcool pour bouée de sauvetage

« J’ai vécu autoanesthésiée pour m’empêcher de souffrir des maux que j’accumulais comme des vides sur ma galerie. » (S’aimer ben paquetée, L’instant même). Adulte, Cristina avoue qu’elle consommait « pour qu’il n’y ait pas de problème. Je buvais quand j’étais triste, je buvais quand j’étais heureuse, pour être plus heureuse. Chaque fois que je devenais saoule, c’était une fuite, un échappement ». Boire, c’est ce « qui me permettait de sortir dans le monde, de performer en extravertie. C’est comme si chaque fois, je me jetais dans le feu ». Combattre sa dépendance lui aura permis d’apprivoiser ses émotions et de renouer avec sa vraie nature, beaucoup plus réservée et tempérée.

Après avoir été d’abord présenté sur scène, S’aimer ben paquetée est dorénavant disponible à la lecture aux éditions L’Instant même. © Cristina Moscini

La sobriété pour planche de salut

« J’ai changé. La sobriété m’a changée, m’a révélée, m’a démaquillée, pour de bon. Pour le long. » (S’aimer ben paquetée, L’instant même). Après une halte bienfaisante de quelques mois à Saint-Élie-de-Caxton, Cristina a choisi de migrer vers Shawinigan. De là, elle a amorcé sa démarche vers la sobriété en rédigeant ses premiers articles de blogue et en chaussant ses espadrilles. « Quand j’ai commencé ma sobriété, je prenais beaucoup de marches. Je marchais le matin, je marchais le soir. Je me suis alors mise à lire les plaques historiques [avec intérêt] ». Selon Cristina, la ville de l’Énergie a énormément de caractère. « Moi, je suis une optimiste de Shawinigan. Cette cohabitation-là entre l’histoire et le moderne moi, en tant que jeune personne qui essayait de se rebâtir […], je me suis reconnue dans l’histoire de Shawinigan. C’est une ville qui m’inspire beaucoup ». Afin de lui rendre justice, l’autrice planche actuellement sur une pièce qui mettra en valeur quelques moments clés de son évolution. Elle espère d’ailleurs développer un partenariat avec une compagnie théâtrale établie en Mauricie qui souhaiterait voir naître le projet.

Interprété par la comédienne Ariel Charest, son monologue S’aimer ben paquetée sera présenté à la Maison de la culture Francis-Brisson le 4 avril prochain. Pour plus d’info, c’est par ici.

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