- Accueil
- Magazine
- Arts visuels
- Tu sais que tu viens d’Opitciwan quand…
Jusqu’au 15 octobre, l’Espace culturel Onikam de la Coop Nitaskinan à Shawinigan présente l’exposition collective Tu sais que tu viens d’Opitciwan quand… Curieuse d’en savoir davantage sur les coulisses de cette expo regroupant les œuvres d’une douzaine de jeunes de secondaire 4 et 5 de l’école Mikisiw, je me suis entretenue avec l’instigatrice du projet, l’enseignante en arts plastiques Kim Dumaine.
Opitciwan pour les nuls
Savez-vous que le Québec abrite onze nations autochtones? Parmi celles-ci, on compte la nation atikamekw, qui compte à son tour trois communautés, dont deux en Mauricie : Wemotaci et Opitciwan.
Si plusieurs ont déjà entendu parler de Wemotaci, peu connaissent Opitciwan, cette petite localité située à 200 km au nord-ouest de La Tuque. Seule communauté érigée aux abords de cette vaste étendue d’eau artificielle qu’est le réservoir Gouin, Opitciwan, « la rivière qui monte courant du détroit » en atikamekw, compte un peu moins de 2 000 âmes. Parmi elles, plusieurs jeunes, qui, si on prend la peine de les écouter, ont bien des choses à dire sur le monde qui les entoure…
De génération en génération © Manisse Awashish
La concrétisation d’un rêve
Pour Kim Dumaine qui vit et travaille à Opitciwan depuis 2018, la présentation de Tu sais que tu viens d’Opitciwan quand… à l’Espace culturel Onikam de la Coop Nitaskinan représente la concrétisation d’un rêve. Celui de donner la chance aux jeunes de sa communauté d’accueil de prendre la parole par l’entremise de l’art. De leur donner l’espace de s’exprimer sur les enjeux qui les touchent. De faire entendre leurs voix « jusqu’en ville ».
« J’entends pas souvent les jeunes parler de leur réalité. J’vois plein de choses, mais eux, qu’est-ce qu’ils ont à dire de ça? »
Un nouveau chapitre qui commence © Justin Dubé
Plus qu’une expo
Pour en arriver à présenter l’exposition à Shawinigan, il aura fallu, pour Kim comme pour ses élèves, plusieurs mois de réflexion, de discussion, de création… et de préparation!
Il faut comprendre que ce n’est pas tous les jours que les jeunes d’Opitciwan ont la chance d’aller présenter une exposition à plus de 450 km de route de la maison.
La portion « voyage » du projet, c’est poussée par la volonté d’aider ses ados à se construire des repères pour les préparer à leur départ éventuel de la communauté que Kim l’a organisée, de concert avec la Coop Nitaskinan et Exeko. Parce que pour les jeunes d’Opitciwan désirant poursuivre leurs études après le secondaire, l’exil n’est pas une option, c’est une obligation.
« La réalité présentement, c’est qu’ils finissent leur secondaire à Opitciwian et qu’ils doivent quitter la communauté. Ils n’ont pas le choix. Il faut qu’ils changent complètement de vie s’ils veulent poursuivre leurs études. […] C’est la réalité autochtone contemporaine de devoir faire un saut en ville pour pouvoir peut-être mieux revenir. »
Afin de bien les préparer à cette éventualité, plusieurs activités ont été organisées en amont et en aval du montage de l’exposition présentée à Shawinigan. Parmi celles-ci : la tenue d’un marché de Noël et l’organisation d’une première exposition dans la communauté, l’inauguration du microprogramme en études autochtones de l’UQTR, la visite de l’atelier de l’artiste et médiateur culturel Javier Escamilla, une première expérience de collocation à l’Auberge de l’Île-Melville et, évidemment, le montage d’une première exposition en terrain inconnu.
Aux dires de l’enseignante, toutes ces expériences nouvelles auront permis aux jeunes de voir, de ressentir, d’aller à la rencontre de l’autre, de surmonter leur gêne et de développer leur sentiment de fierté.
Kim Dumaine, en parlant du vernissage de l’exposition à l’Espace culturel Onikam : « Ils étaient tellement fiers de ce qu’ils ont fait que spontanément, ils sont allés se mettre à côté de leur œuvre. Ce que ça a fait, c’est de créer des échanges. Exactement comme je le souhaitais. »
La cicatrice fantôme © Mariane Chachai
Ce qu’il en reste
Une fois le montage de l’exposition terminé et tout le monde revenu à la maison, que retiennent les jeunes de leur expérience d’une première exposition présentée à l’extérieur de leur communauté?
Mariane : « J’ai beaucoup aimé mon expérience. Même si j’étais stressée, j’ai adoré voir les gens touchés par mon œuvre. »
Océanne : « C’était l’fun! Je me sentais à la bonne place. J’étais bien. »
Justin : « Je suis content d’avoir présenté mon œuvre. J’espère que les gens l’aiment. »
Devant l’absolue réussite de son projet, Kim avoue souhaiter reproduire l’expérience avec un nouveau groupe d’élèves. Souhaitons-lui bon succès!
Envie de découvrir l’expo? On vous invite à aller faire un tour du côté de la Coop Nitaskinan à Shawinigan. Quand? Du mercredi au vendredi de 12h à 17h, et le samedi de 11h à 16h.