11 juin 2024

Sonia Basile-Martel : quand l’art devient un vecteur de guérison

Par Caroline Ruest

En véritable guerrière, Sonia Basile-Martel apprend, saison après saison, à naviguer à travers les méandres de la vie. Forte de son instinct de survie, elle cultivera sa résilience afin de la mettre au service de sa guérison. Après avoir connu quelques hivers rigoureux, elle se donnera les moyens de recouvrer sa floraison printanière aux couleurs iridescentes. Regard sur cette artiste « atika-bécoise », puissante et courageuse.

L’art de Sonia Basile-Martel est profondément marqué par son identité atikamekw et québécoise. © Gracieuseté

Une route parsemée d’épines et de ronces

« Tout part de mon identité. » Née d’une mère atikamekw et d’un père québécois, Sonia a longuement cherché sa place parmi les siens. Originaire de la communauté de Wemotaci, elle résidera en zone urbaine. Évoluant dans un milieu marqué par divers traumatismes, l’artiste déploiera ses ailes en milieu scolaire où elle trouvera l’encadrement et la valorisation dont elle aura besoin.

Confrontée précocement à sa dualité identitaire, Sonia apprendra à tracer son propre chemin, parfois tortueux. « Ça n’a pas toujours été facile, surtout adolescente. » Baignant dans un environnement où la noirceur laisse peu de place à la lumière, son quotidien sera teinté par les silences, les secrets, les non-dits et le perpétuel sentiment d’abandon. Durant de nombreuses années, Sonia associera sa souffrance à la solitude qu’elle ressent au sein de sa communauté d’appartenance. Grandissant avec le sentiment d’être différente, elle éprouvera un certain isolement. « Pendant longtemps, j’ai un peu repoussé cette identité-là. C’est à travers mes études [que] j’ai questionné mon identité, là où je sentais qu’il y avait peut-être une partie de moi que j’avais enterrée, que je n’avais pas mis en lumière encore ». Avec le temps, la pratique de l’art lui apprendra à s’introspecter, s’exprimer, s’affirmer et dialoguer, se réconciliant peu à peu avec son passé. « J’ai été confrontée à beaucoup de choses, mais j’ai toujours essayé de défricher ma route, quitte à prendre parfois un chemin différent et à couper des ponts ».

« En survolant mon vécu, je me suis rendu compte qu’il y avait quelque chose qui pouvait ressortir de tout ça. »

Sonia Basile-Martel, artiste multidisciplinaire

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© Sonia Basile-Martel

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© Sonia Basile-Martel

Créer pour retrouver son essence

À la fois inspirée par la sphère familiale et guidée par ses petits êtres de lumière, Sonia explore ses blessures à travers l’art pour mieux affronter, nommer et libérer sa propre vérité. Dans un souci de guérison à la suite d’un choc post-traumatique diagnostiqué en 2018, attribuable à une agression subie à l’âge de sept ans, l’artiste entamera un voyage intérieur pour se reconnecter à son identité en tant que femme et mère de deux jeunes enfants. « Quand je crée, j’aime beaucoup partir d’un texte que j’ai écrit, qui va finalement m’amener à une image qui va devenir un tableau. [Il peut également s’agir d’] une photographie, qui ne m’évoquait peut-être pas un souvenir joyeux, mais qui va m’inspirer un poème ». Accueillant ainsi sa douleur, elle l’enveloppe d’une chaleur et d’une douceur bienveillante. Par ce procédé, il lui est plus facile d’aborder des sujets sensibles tels que le deuil, l’abandon, l’indifférence et la souffrance pour « se libérer de façon lumineuse et apporter de l’espoir » à ceux et celles qui seraient happé·es par ses œuvres.

« En survolant mon vécu, je me suis rendu compte qu’il y avait quelque chose qui pouvait ressortir de tout ça. » Malgré la noirceur, les éclaircies poindront toujours à l’horizon. Suffit de leur laisser la place pour exister. « La vie n’est pas facile. On peut souffrir, s’isoler, se sentir seul·e, mais être capable d’aller chercher les parcelles de lumière qui a à travers ça, ça aide à accepter les moments qui ont été difficiles ».

« Je suis à une étape de ma vie où je sens que je guéris. Cette exposition-là arrive à un point où j’ai fait la paix avec ce que j’ai à dire, je n’ai pas honte de mes douleurs du passé et je suis fière de pouvoir en témoigner, de reprendre mon rôle d’artiste puis que mes enfants soient témoins de cela. »

Sonia Basile-Martel, artiste multidisciplinaire

© Sonia Basile-Martel

Revenir de loin

Sa première exposition solo Revenir de loin — Warowik E Otciteian aura lieu du 7 juin au 7 juillet prochains à La petite Place des Arts à Saint-Mathieu-du-Parc.

Portant naturellement sur la réconciliation identitaire et la guérison dans une quête de vérité, elle retracera le cheminement personnel de l’artiste. Inspirée par les contrastes de la vie, Sonia revisite ses racines, son enfance ainsi que sa relation avec elle-même et tout ce qui la compose. « Je suis à une étape de ma vie où je sens que je guéris. Cette exposition-là arrive à un point où j’ai fait la paix avec ce que j’ai à dire, je n’ai pas honte de mes douleurs du passé et je suis fière de pouvoir en témoigner, de reprendre mon rôle d’artiste puis que mes enfants soient témoins de cela. C’est le plus beau timing du monde! Je sens que ça vient boucler mon processus personnel puis ça vient faire renaître un fort besoin de créer pour exister ».

Pour de plus amples informations sur l’exposition de Sonia Basile-Martel à La petite Place des Arts, c’est par ici.

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