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- Discussion et confidences avec Annie Pelletier
« Ah, j’adore mon métier! » C’est ainsi que l’artiste Annie Pelletier s’exprime à propos de sa carrière artistique, principalement concentrée sur la réalisation d’œuvres sculpturales publiques d’envergure.
L'appel de l'engagement
Si enfant Annie Pelletier était toujours en train de dessiner, de sculpter du bois, de fabriquer des animaux à l’aide de roches et de coquillages, cet attrait pour la nature mêlé d’une humanité naturelle s’incarne bel et bien dans son œuvre, et revêt même aujourd’hui le caractère d’un engagement écologique pourtant très décontracté. En effet, la trifluvienne d’adoption admet ses préoccupations quant à ses moyens de créations, principalement l’acier et la soudure, qu’elle juge trop polluants. C’est pourquoi elle songe aujourd’hui à intégrer, comme c’était le cas au début de sa carrière, davantage de rebus industriels et usuels à sa pratique. En ce sens elle déclare : «mon seul pouvoir en tant qu’individu, c’est mon comportement […] quand tu respectes tes objets, tu respectes les gens et l’environnement».
Sage Loup © Annie Pelletier
Recycler pour étonner
Ainsi, pour son exposition qui est prévue en 2023 à la Maison de la Culture de Trois-Rivières, elle réfléchit à un projet installatif responsable d’un point de vue environnemental. Il faut savoir que l’asbestrienne d’origine a longtemps travaillé dans l’industrie du design, notamment en réalisant des meubles uniques à l’aide de matériaux recyclés. Ce travail, effectué tantôt en parallèle, tantôt en corrélation avec sa carrière artistique, n’est d’ailleurs pas étranger à la nature des œuvres installatives qu’elle proposa au fil de son parcours prolifique. Le meuble recyclé est en effet un matériau qu’elle privilégie. Par son accumulation et son détournement, elle parvient à générer une mise en tension entre le beau et le laid et ainsi «créer une surprise chez le spectateur». À travers sa démarche, le destin de l’objet se constitue comme un véritable enjeu et ce, à la manière d’un important pilier réflexif.
La voix des arts
Par ailleurs, l’artiste confie que sa préoccupation quant à la relation entre ses œuvres et le public est inhérente à sa pratique. Si la designer en elle ne nie pas la dimension conceptuelle que peut comporter sa production en tant que sculptrice, Pelletier désire néanmoins que ses œuvres s’adressent aux gens et c’est bien, précise-t-elle, «tout un défi». Pourtant, celle qui accumule pratiquement 30 ans de carrière dans le domaine des arts n’est certainement pas rebutée par un travail qui implique l’investissement manuel mais également intellectuel; Annie Pelletier fait en effet partie des rares artistes spécialisés dans la création d’œuvres publiques, souvent monumentales et particulièrement complexes d’un point de vue technique, qui réalisent eux-mêmes l’entièreté du travail, de la maquette à l’œuvre finale, en passant par le transfert de l’une vers l’autre.
Une admirable chevauchée © Annie Pelletier
Faire cavalier seul
Si donc la plupart des artistes œuvrant dans cette pratique particulière font appel à des techniciens, Pelletier « peut tout faire toute seule », comme en témoigne la capsule de La Fabrique Culturelle Annie Pelletier, une artiste qui joue sur place et qui traite de son projet architectural Deux à deux, face à face, réalisé sur la façade de l’église Saint-James, à Trois-Rivières en 2016. Cette spécificité lui sert notamment à prendre des décisions esthétiques impossibles à concevoir dès lors qu’elle délèguerait, mais également à la maintenir dans une dynamique où «sa créature prend vie» devant elle, lors du processus dans lequel elle s’investie du début à la fin. Celle qui a donc commencé par «dessiner dans l’espace» avec des fils de fer parce qu’elle était rebutée par le support bidimensionnel fait aujourd’hui se déployer dans la dimension du réel des sculptures surprenantes dont elle est l’unique conceptrice, malgré les défis techniques engendrés.
Ici et maintenant
En parallèle à la préparation de l’exposition mentionnée ci-haut, Pelletier travaille en ce moment sur de multiples réalisations, notamment Les utopies nordiques, une œuvre cinématographique collaborative tournée à Sept-Îles. Enfin, si la membre active de l’Atelier Silex confie laisser toujours une place à «l’errance mentale», sa passion pour son métier ne tarie pas : «je ne prendrai jamais ma retraite ! Les gens rêvent d’être retraités pour créer!», conclue-t-elle en souriant.