24 février 2022

Transfiguration au sortir de la pandémie

Par Luc Drapeau

Valérie Milot, harpiste émérite, reconnue tant pour son talent, ses activités de productrice et de professeure que pour son engagement en tant que citoyenne et maman, a chaleureusement accepté de nous rencontrer pour nous entretenir de ses nouveaux projets au sortir de la pandémie. L’artiste trifluvienne s’avoue impatiente de reprendre contact avec le public.

deux femmes posant devant une harpe

L’album Canzone di notte, réalisé en duo avec la soprano trifluvienne Marianne Lambert. © Julie Artacho

Un nouveau cycle d'œuvres

Une semaine après le lancement de Canzone di notte, un album réalisé en duo avec la soprano trifluvienne Marianne Lambert, la musicienne nous annonce la sortie de Transfiguration pour le 6 mai, un opus issu de sa collaboration avec le violoncelliste Stéphane Tétreault.

Les deux réalisations, l’une dans la pure tradition classique et l’autre mettant en valeur un répertoire inédit et actuel, reflètent à merveille les univers contrastés où l’artiste se plait à nous transporter depuis les dernières années. En effet, alors que le premier présente des classiques issus du répertoire (tels que Rossini, Schubert, Vivaldi), se situant dans la continuité de Solo (2020), le second poursuit le processus entamé avec Orbis (2016), qui mariait la musique de compositeurs contemporains (tels que Steve Reich, John Cage et Frank Zappa) à l’art numérique dans un spectacle présenté jusqu’en février 2020.

L’album Transfiguration paraîtra le 6 mai prochain et une tournée est prévue à l’été 2022. © Frédérik Robitaille

Transfiguration

Pour Transfiguration, Valérie Milot et Stéphane Tétreault ont commandé des œuvres originales et des réarrangements à cinq compositeurs·rices du Québec (Caroline Lizotte, François Vallière, Alexandre Grogg) et de l’Ontario (Marjan Mozetich et Kelly-Marie Murphy), profitant de fonds débloqués par le gouvernement pendant la pandémie.

Avec ces créateurs·rices, les deux musicien·nes étaient confiant·es de profiter d’un traitement sur mesure qui assurerait un jeu égal entre les deux instruments. Plus souvent qu’autrement, observe Valérie Milot, la harpe assure un rôle d’accompagnement. Si cet état de fait convient à un projet tel que Canzone di notte, il était primordial, pour Transfiguration, que l’interaction entre les deux complices soit constamment redéfinie : «L’idée de la transfiguration, c’est la métamorphose. Tout ce répertoire nous force à fusionner. On se retrouve quasiment dans la tête de l’autre. On commence très séparés et à la fin, on finit unis par la musique.»

Du disque à la scène

Dans le spectacle qui sera tiré de l’album, le public sera accompagné de son arrivée jusqu’à la fin de la prestation, notamment par le biais d’un programme «vivant» accessible grâce à un téléphone intelligent qui permettra d’accéder à de l’information supplémentaire sur les pièces avant et après le spectacle ainsi que pendant les transitions.

Pour les amateurs de musique progressive, Valérie Milot annonce qu’elle renouvellera l’inclusion d’une composition du groupe britannique Gentle Giant dont un titre figurait au sommaire de l’album Orbis. Cette fois-ci, le titre «Cogs in Cogs» de l’album The Power and Glory, arrangé par François Vallière, comptant Bernard Riche à la batterie, tiendra lieu de chanson de rappel.

« L’idée de la transfiguration, c’est la métamorphose. Tout ce répertoire nous force à fusionner. On se retrouve quasiment dans la tête de l’autre. On commence très séparés et à la fin, on finit unis par la musique ».

La vie d'artiste en temps de pandémie

Qu’on ne s’y trompe pas, le processus artistique et ses corolaires menant à la production d’une œuvre et d’un spectacle ne sont pas de tout repos. Valérie Milot se trouve très chanceuse de mener la carrière qu’elle a bâtie, mais reconnait que tous les chapeaux qu’elle doit porter lui laisse très peu de moments d’arrêt : «Cette vie effrénée, je ne pense pas que ce soit sain. Ça ne devrait pas être une condition pour être un artiste», soutient-elle en insistant sur l’importance de l’actuelle refonte de la Loi sur le statut de l’artiste.

Les deux dernières années ont mis en évidence la précarité de l’écosystème musical fragilisé par l’exode des technicien·nes de scène vers d’autres milieux et de certain·es musicien·nes qui se sont réorienté·es. Confrontée elle-même à de nombreuses remises en question au cours des dernières années, Valérie Milot concède que cette situation lui fend littéralement le cœur.

La harpiste, qui a perdu son père au tout début de la pandémie – et qui avoue dans les moments de doute s’accrocher aux paroles de ce dernier à propos de Solo, l’enjoignant de ne jamais arrêter de jouer – n’en est que plus déterminée à affirmer la nécessité de l’art : «On s’est tellement fait dire que c’était facultatif, non essentiel. Oui, ça prend des personnes qui deviennent médecins, ingénieur·es, mais ça prend aussi des artistes et des gens qui sont capables de consommer l’art. C’est bon pour la santé mentale, la rigueur, la discipline et le tissu social.»

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