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16 mai 2023
Durables et fières de l’être : Les scènes écoresponsables de la Mauricie
Compensation des gaz à effet de serre, élimination des plastiques à usage unique, compostage, achat local… Plus que jamais, on parle d’écoresponsabilité. Au courant des dernières années, les verres réutilisables consignés et les stations d’eau ont fait leur place dans beaucoup de salles de spectacle de la région. De plus en plus de festivals, d’organismes culturels et d’artistes se mobilisent pour proposer ou demander des alternatives plus durables sur scène comme en coulisse.
À l’aube de la saison des festivals, voici deux organismes d’ici qui travaillent fort pour offrir des événements écoresponsables et même sensibiliser leurs festivalières et festivaliers (ainsi que leurs partenaires) à développer des habitudes plus « vertes ».
Une bénévole prenant beaucoup de plaisir à transporter des festivalières et des festivaliers d’un site à un autre du FestiVoix. © Cyrille Farré
Le FestiVoix : Se surpasser à chaque année
« Quand on voit des possibilités de travailler de manière plus durable, on le met en place. On le met de l’avant. On voit comment on peut fonctionner. » Naomie Rousseau travaille au FestiVoix de Trois-Rivières comme coordonnatrice aux communications et au développement numérique. Tout comme le reste de son équipe, elle travaille fort à développer de nouvelles habitudes durables et à maintenir celles qui ont été mises en place depuis 2007. Leur engagement est si fort, que l’an dernier, le FestiVoix s’est mérité deux prix lors des Vivats, un gala qui vise à honorer les événements écoresponsables.
La politique de développement durable du festival se décline en trois pôles interdépendants : environnemental, économique et social. Mis à part les projets de médiation culturelle et les passeports aux tarifs abordables, l’équipe du FestiVoix offre, avec la Société des Transports de Trois-Rivières, des services de transports en commun gratuitement aux détenteur·rices d’un passeport pour l’événement, et ce, durant les neuf jours du festival. C’est sans compter les services de navettes gratuites et les vélos disponibles pour faciliter les transports des spectateur·ices et limiter la pollution reliée aux déplacements en voiture. En ce sens, « Le festival compense la totalité des gaz à effets de serre générés en déplacement par l’événement et par les déplacements des artistes, depuis 2021. »
Depuis quinze ans, le FestiVoix continue de se surpasser en matière d’écoresponsabilité, si bien qu’il a obtenu la plus haute certification en développement durable, octroyée par la Fondation Trois-Rivières Durable. En plus de prioriser la location et l’achat auprès d’entreprises locales, de favoriser les matériaux recyclables (canettes, bouteilles, bannières) et de mettre en place une escouade pour s’assurer du bon triage des déchets, le FestiVoix est aussi parrain de la tourbière Red Mill, un milieu naturel humide important en Mauricie. Pour le festival, l’engagement durable se continue à l’année et passe aussi par une implication dans la communauté.
À chaque édition, le FestiVoix se fixe de nouveaux défis. Avec l’arrivée du service de compostage à Trois-Rivières, l’équipe souhaite instaurer le tout sur le site de l’événement et au bureau. Dans un horizon de trois ans, elle aimerait éliminer complètement les plastiques à usage unique et même compenser les gaz à effet de serre engendrés par la machinerie utilisée sur les différentes scènes du festival. Mis à part leur volonté d’améliorer la signalétique des différents points de triage des déchets, l’équipe du FestiVoix aimerait aussi « faire davantage de sensibilisation » auprès des festivalières et des festivaliers, mais surtout, auprès de leurs partenaires. D’ailleurs, l’équipe travaille sur un guide des bonnes pratiques durables qui sera éventuellement partagé à leurs différents fournisseur·euses et collaborateur·trices afin que celleux-ci puissent s’améliorer et faire leur part. Un défi qui peut sembler de taille, mais qui, comme le mentionne Naomie Rousseau, « peut faire la différence. »
Pour en savoir davantage sur les efforts mis en place par le FestiVoix de Trois-Rivières pour faire de son festival un événement écoresponsable, c’est par ici.
« Quand on voit des possibilités de travailler de manière plus durable, on le met en place. On le met de l’avant. On voit comment on peut fonctionner. »
Naomie Rousseau, coordonnatrice aux communications et au développement numérique pour le FestiVoix de Trois-Rivières
Jimmy Hamel, alias Marcias Portelance, « minisre du parlage » de l’Ultime Édition. © Carl Salvail
L'Ultime Édition : Le voir pour le croire
En tant qu’ancien festivalier devenu porte-parole (ou plutôt « ministre du parlage ») de l’Ultime Édition, Jimmy Hamel, alias Marcias Portelance, est en bonne position pour témoigner des nombreuses initiatives mises en place par l’équipe du festival pour offrir un événement durable au fil des ans. « Ça fait partie de la racine du festival d’être écoresponsable. » Il faut dire qu’avant de se transformer en festival très prisé des mélomanes et des curieux·ses, l’Ultime Édition (jadis nommé Widewood) était un jam musical entre ami·es qui avait lieu dans une cour résidentielle. Les invité·es pouvaient camper sur le terrain, on y servait des hot-dogs, et tous·tes participaient à la corvée de nettoyage. Depuis, si l’événement a beaucoup grandi, l’amour du fait-maison, le souci de l’environnement et la volonté de cultiver une ambiance fraternelle continuent de guider les décisions organisationnelles de l’équipe.
À écouter Jimmy Hamel énumérer la liste des initiatives vertes de l’Ultime Édition, difficile de leur trouver une tache au dossier. Si ce ne sont pas les membres de l’équipe d’organisation (ou leurs proches) qui s’occupent de construire les scènes à l’aide de matériaux recyclés, celles-ci sont louées à la ville de Shawinigan. Quant aux meubles se trouvant un peu partout sur le site, ils sont le fruit de dons de personnes cherchant à s’en départir. Pour celles et ceux qui souhaitent porter fièrement un chandail à l’effigie de l’Ultime Édition, il leur est possible de faire sérigraphier leur propre chandail (ou un chandail neutre de l’entreprise écoresponsable et locale Abaka) sur place par l’artiste Catherine Vaugeois. Pour les fumeuses et les fumeurs, elles et ils sont encouragé·es à mettre leurs mégots dans de petits contenants de plastique pour éviter que ceux-ci ne se retrouvent au sol. Lors d’une édition précédente, une ancienne collègue du porte-parole avait même fait recycler les mégots des festivalières et des festivaliers : « Ils avaient été envoyés à un organisme qui recycle le coton [du filtre]… » Définitivement, l’équipe de l’Ultime Édition est passée maître dans l’art du réemploi.
Contrairement au FestiVoix, l’Ultime Édition ne possède aucune certification en matière d’écoresponsabilité et de développement durable. Si Jimmy Hamel croit que le reste de l’équipe pourrait être intéressé à obtenir une telle certification un jour, il ne considère pas que la crédibilité du festival dépende de celle-ci : « C’est comme un agriculteur qui n’est pas certifié bio, mais qui ne met aucun produit chimique […] On ne peut pas dire qu’on n’est pas écoresponsable juste parce qu’on n’est pas certifié. » En attendant, l’équipe de l’Ultime Édition continue de rester fidèle à ses valeurs et à faire son possible pour offrir un événement mémorable, durable et qui met en valeur les talents et l’ingéniosité de la communauté: « On a juste à y venir pour le voir. »
Chaque année, l’artiste Catherine Vaugeois offre aux festivalières et aux festivaliers la possibilité de se faire sérigraphier un chandail aux couleurs de l’Ultime Édition. Il est à noter que si seulement certains vêtements proviennent de l’entreprise écoresponsable et locale Abaka, tous sont usagés. © Carl Salvail
« C’est comme un agriculteur qui n’est pas certifié bio, mais qui ne met aucun produit chimique […] On ne peut pas dire qu’on n’est pas écoresponsable juste parce qu’on n’est pas certifié. »
Jimmy Hamel, alias Marcias Portelance, « minisre du parlage » de l’Ultime Édition
Hommage à Mario Brière et Simon Adams, concepteurs et créateurs de la scène Mario Adams, une scène mobile ayant pris plus de 100 heures à construire. Une scène-remorque si solide qu’on la dit indestructible! © Carl Salvail
Sophie-Laurence H. Lauzon, chargée de projets en développement durable au Conseil québécois des événements écoresponsables (CQEE) © Daria Marchenko
L'écoresponsabilité : Faire état de nos forces
Lorsqu’un événement ou un organisme culturel tente de transitionner vers des pratiques plus écoresponsables, il peut être difficile de savoir par où commencer. Pour Sophie-Laurence H. Lauzon, chargée de projets en développement durable au Conseil québécois des événements écoresponsables (CQEER), on doit d’abord faire l’état des lieux de notre festival : « Je conseille toujours aux gens de faire la liste de leurs bons coups en matière d’écoresponsabilité, et d’en faire une autre sur leurs points à améliorer. » L’important, c’est d’avoir une vue d’ensemble des forces et faiblesses de l’événement, pour ensuite savoir sur quoi travailler. L’étape suivante est de mobiliser son équipe : « Pour mobiliser les gens, c’est important de leur faire comprendre qu’on fait déjà de bonnes choses. De concentrer les gens sur des solutions parfois rapides et faciles à implanter ».
Le point de départ peut être différent selon l’événement. Réduction des achats? Sensibilisation des membres de l’équipe aux pratiques écoresponsables? Minimiser les impressions papier? Pour Sophie-Laurence, l’important est de répondre à un enjeu réel : « Est-ce que ça réduit l’empreinte environnementale? Est-ce que ça vient régler une problématique ? […] Est-ce une problématique réelle? » Au fil des années, non seulement les événements à avoir fait le saut sont-ils de plus en plus nombreux, mais les initiatives « vertes » sont de plus en plus audacieuses. Cependant, il faut faire attention à ne pas se faire prendre par des effets de mode : « Moi ce qui m’intéresse c’est un organisme qui s’intéresse vraiment à son impact et qui tente de le calculer. » La chargée de projets parle ici des organismes qui vont jusqu’à peser et ouvrir les sacs de matières résiduelles pour y voir le contenu, afin de comprendre et de mettre en place les bonnes solutions.
Avec l’arrivée de réglementations interdisant les articles en plastique à usage unique dans les commerces et en restauration (notamment à Montréal), Sophie-Laurence souhaite nous voir aller encore plus loin : « J’espère qu’on va dépasser la notion du plastique et qu’on va s’intéresser à tous les articles à usage unique – au-delà de la matière avec laquelle ils sont conçus – pour arrêter d’être dans une perspective de consommation linéaire : on produit, on consomme, on jette… » Elle vise notamment les objets promotionnels distribués dans les événements et l’affichage. En ce sens, la chargée de projet en écoresponsabilité souhaite aussi que les organismes s’intéressent un peu plus à la réduction des gaz à effet de serre et non seulement à leur compensation.
Et pour celles et ceux qui se demandent où trouver le financement pour leurs initiatives durables, Sophie-Laurence rappelle que de plus en plus d’entreprises et de bailleurs de fonds sont intéressés à financer des démarches écoresponsables : « Si on ne vient pas vers vous pour commanditer le volet écoresponsable d’un événement, vous pouvez oser le proposer à des commanditaires potentiels. Ça peut donner des résultats assez intéressants et vous permettre d’avoir des petites sommes ici et là pour faire avancer votre projet. »
Dans les dernières années, de plus en plus de diffuseurs d’ici ont entrepris d’adopter des pratiques écoresponsables. Outre le FestiVoix de Trois-Rivières et l’Ultime Édition, on compte parmi ceux-ci des organisations comme Culture Trois-Rivières, Culture Shawinigan et l’Amphithéâtre Cogeco. Pour en savoir davantage sur les différentes actions entreprises par ces trois institutions, on vous invite à consulter les politiques de développement durable présentes sur le site Internet de chacune d’entre elles.