26 septembre 2023

Liliane Pellerin : écouter ses craquements intérieurs

Par Louis-Philippe Cantin

« Liliane, est-ce que je me trompe si je dis que tu fais de la musique forestière? »

Il ne suffisait que de cette question pour lancer Liliane Pellerin dans une discussion de deux heures durant laquelle nous sommes parti·es, malgré les limites physiques que nous imposent les écrans de nos cellulaires, en randonnée le long des chemins qui inspirent la poète et autrice-compositrice-interprète qui réside ces jours-ci à Shawinigan avec son chat, le long de la St-Maurice.

Liliane Pellerin sait bien s’entourer. Ici, on peut la voir dans l’œil de son ami et collaborateur de toujours, l’auteur-compositeur-interprète, réalisateur et arrangeur caxtonien Jeannot Bournival.

Introspective et sylvestre

En fait, ce qui influence Liliane à écrire et à composer ne réside pas à prime abord dans la musique. Quand je lui demande de me parler de ses influences, elle ne nomme aucun groupe, aucune autrice-compositrice. Il y en a, mais ils n’arrivent jamais à la cheville d’histoires comme celle-ci :

« Un soir, alors que je campais au Lac Clair, j’ai vu un huard nager sur la surface de l’eau. Il pêchait. En plongeant, il a fini par ressortir un poisson blanc. Je me suis dit “ Ce poisson-là est bien trop gros! Il sera jamais capable de l’avaler. ” Comme de fait, après avoir picossé la carcasse fraîche du poisson, le huard a fini par le laisser flotter sur le côté. Je me suis dit : Ça se peut pas qu’un huard, qu’un prédateur, gaspille une proie comme ça. Comme de fait, le huard a lâché un cri tout droit sorti du cosmos, pas un cri nocturne, pas un cri pour jaser avec son voisin de lac, autre chose. Deux minutes après, un aigle à tête blanche est arrivé au vol et a saisi le poisson dans ses serres. C’est le huard qui a nourri l’aigle. Il aidait son ennemi. L’aigle mangera pas ses oeufs, au canard, s’il lui donne un beau poisson. »

Alors, oui, la musique de Liliane Pellerin est forestière. Le spectacle plus intime qu’elle offre, et qu’elle a d’ailleurs présenté en août dernier au festival L’Ultime Édition en est un tout en poésie qui s’assume dans sa lenteur et dans sa volonté de vanter les mérites de l’immersion sylvestre. « Si t’amènes ton stress avec toi en forêt, tu les verras pas aller comme ça, les bêtes. Si t’es pas présent comme elles le sont, là, dans le moment, elles vont s’en aller. », ajoute-t-elle alors que chaque piste que je lui lance sur la musique nous ramène, inévitablement, dans le bois. Un spectacle ou un album de Liliane Pellerin, une discussion avec elle, c’est une invitation à l’écoute – la vraie.

« Si t’amènes ton stress avec toi en forêt, tu les verras pas aller comme ça, les bêtes. Si t’es pas présent comme elles le sont, là, dans le moment, elles vont s’en aller. »

Liliane Pellerin, autrice-compositrice-interprète

Liliane travaille présentement à la réalisation d’un album à venir le 25 janvier 2024. © Jeannot Bournival

Du 4 octobre au 17 novembre prochain, Liliane sera en résidence à La Factrie 701 de Grand-Mère où elle proposera des ateliers d’écriture introspective. © Emilie Duchesne

Un album aux airs de liberté

C’est dans cet état d’esprit que l’artiste, qui a commencé son parcours d’autrice-compositrice-interprète en 2015, a choisi d’écrire son album à venir le 25 janvier 2024.

Cet album, dont « La Dose », sa chanson revisitée pour l’occasion, est parue le 1er septembre dernier, elle l’a conçu avec Jeannot Bournival, son collaborateur de toujours. Elle dit avoir dû élaguer les collaborations dans son processus créatif pour parvenir à toucher à son « être plus sauvage ». Bournival est le seul qui est resté. Il signe les arrangements, le mixage et la réalisation d’un disque qui touche aux thématiques du vivre ensemble, de la quête de liberté et de l’acceptation du changement.

Si la démarche de Liliane fraie ces temps-ci avec l’apprivoisement de la solitude, il faut cependant ajouter qu’elle se sert des apprentissages qu’elle fait dans ses retraites introspectives pour partager, pour aller vers l’autre. À cet effet, elle sera, du 4 octobre au 17 novembre prochain, artiste en résidence à La Factrie 701 de Grand-Mère où elle proposera des ateliers d’écriture introspective à celles et ceux qui désireraient, certes se pencher sur cette pratique, mais qui souhaiteraient avant tout « suivre la bête sauvage », métaphore que m’envoie Liliane lorsqu’elle me parle d’écriture.

« Au lieu d’essayer de travailler en forçant les choses, j’essaie simplement de m’habiter. Si j’ai moins honte et que j’ai du courage à travers mes peurs, je vois plus clair, j’évite la cassette, j’évite de tomber sur le pilote automatique. »

Liliane Pellerin, autrice-compositrice-interprète

Sur cette photo, on peut voir Liliane livrer l’un de ses textes lors de son spectacle présenté le printemps dernier à la chapelle du Camp du Lac Vert à Saint-Mathieu-du-Parc. © Emilie Duchesne

Faire de son mieux

La musique de Liliane, on l’entend avec ses plus récentes pièces comme « Au sommet de nulle part » et « Sacrée », saura plaire à celles et ceux qui aiment le folk qui essaie autre chose. La touche d’électro, subtile, avant tout utile et indéniablement maîtrisée s’intègre aux sonorités acoustiques avec l’humidité du sphaigne et vient porter l’auditeur·trice dans le monde d’une artiste qui a pris le temps d’apprendre à se questionner sur son identité, sur sa place en société.

« Au lieu d’essayer de travailler en forçant les choses, j’essaie simplement de m’habiter. Si j’ai moins honte et que j’ai du courage à travers mes peurs, je vois plus clair, j’évite la cassette, j’évite de tomber sur le pilote automatique. »

Alors, quand je lui demande comment elle fait pour avancer dans la création, voire dans la vie en général, Liliane me répond dans un soupir de satisfaction qui atteste de sa réflexion.

« Je fais de mon mieux. »

Pour découvrir et suivre Liliane Pellerin, c’est par ici.

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